ENTRETIEN RECHERCHE

Arsène Ntamusige, ingénieur agronome  :  « je vis une idylle avec les sciences agronomiques » 

Nous avons échangé avec un jeune ingénieur agronome sur sa passion pour les questions agronomiques.

Arsène Ntamusige est son nom. Les sciences agronomiques comme toutes les autres sciences connaissent aussi une évolution frénétique au regard de l’évolution de l’humanité. Dans les universités les chercheurs travaillent à inculquer le savoir-faire aux jeunes passionnés afin qu’ils travaillent aussi à relever les défis d’aujourd’hui.  

Cette entrevue réalisée par l’équipe All For Science Média,  fait suite à une action de formation mise en place par la plateforme RaccourSci qui donne gratuitement, en ligne, des conseils pour communiquer les sciences auprès de différents publics.

RaccourSci est une initiative de l’Acfas et de l’Agence Universitaire de la Francophonie. Cette action de formation était soutenue par le Centre de Recherches pour le Développement International. Pour rappel notre média a été associé à cette initiative au travers notre journaliste Charlotte Ezebada en tant que jury et conseillère en communication scientifique orale. Entretien !

All for sciences media : Faites – vous connaître à nos lecteurs 

Arsène  Ntamusige : Je suis ingénieur agronome spécialisé en Chimie et Industrie Agricole. Je suis chercheur à la direction de la  recherche et de l’innovation de l’université de Goma et je  dirige le Département Recherche, Technologie et Innovation de Congo-bio Tech. Congo Bio Tech est une société spécialisée en bio-ingénierie et en entreprenariat social et environnemental. Elle est basée à Goma, en RDC.

A quoi se réfère-t-on quand on parle de la science agronomique ou encore d’ingénierie biologique ?

L’agronomie ainsi qu’on le lit entre les lignes du Larousse agricole peut être comprise comme l’ensemble des sciences nécessaires à la compréhension de l’agriculture et des techniques utiles à sa pratique. Dans son appréhension stricte, elle est l’étude scientifique de relations entre les plantes cultivées, le milieu et les techniques agricoles. Mais elle comprend aussi dans son appréhension large l’ensemble des sciences et des techniques relatives à l’élevage et à la bio ingénierie.

Elle fait appel à l’économie, à la sociologie, à la comptabilité et à la gestion de l’exploitation qui sont des sciences considérées comme nécessaires à la compréhension des techniques utiles à la pratique agricole. 

Pour le peu qu’on puisse en dire, l’ingénierie biologique dite couramment bio ingénierie est un champ polyvalent qui met à contribution les principes et les méthodes de nouvelles technologies de l’ingénierie et de sciences naturelles dans la conception et dans l’analyse de nouveaux procédés ou de nouveaux outils qui permettent de combler les lacunes des sciences du vivant. Les recherches de la bio ingénierie sont au cœur de l’effet qui touche autant à  la production et à la valorisation des ressources biologiques qu’au développement durable.

Arsène  Ntamusige, ingénieur agronome à Congo Bio Tech

D’où est venue votre amour/intérêt pour cette science ?

Je crois que je vis une idylle avec les sciences agronomiques. Et c’est depuis ma toute petite enfance en fait.

J’avais l’habitude de vadrouiller dans les savanes cultivées des campagnes insulaires d’Idjwi, ma terre natale. J’allais parfois de colline en collines. Mais les moments qui me mouvaient et m’émerveillaient le plus étaient sans doute passé au bord du lac KIVU, dans les marées et dans les bassins versant. 

J’adorais les eaux, j’adorais les ruisseaux, j’adorais les marécages. Mais les plantes me subjuguent. De mes yeux d’enfants minutieux et curieux je pouvais observer une amarante à longueur de journées espérant la voir croître et être ainsi témoin oculaire de la germination et de la croissance graduelle d’une graine semée.

Arsène  Ntamusige, ingénieur agronome à Congo Bio Tech

Durant mes années scolaires, ma passion pour le  vivant s’est nourrie par mes leçons de botanique, de zoologie, de géographie, d’éducation à la vie et certainement par la lecture des livres à  la petite bibliothèque familiale. 

Lorsque après mon diplôme d’état en biochimie j’entrepris de poursuivre mes études universitaires en agronomie, je ne me doutais pas d’être sur les rails d’un parcours engagé et exaltant amorcé de longues années auparavant. Il m’a fallu parfaire mes trois ans en sciences agronomiques et mes deux ans en chimie et industrie agricole.

M’intéresser à la bio ingénierie, à l’agroécologie et à l’entreprenariat d’abord dans une perspective de recherche scientifique et ensuite dans une perspective de création des richesses et exercer le métier d’agronome pendant quelques années pour comprendre combien l’attention, la sensibilité et l’attachement à la nature dont j’avais précocement fait montre étaient le creuset de mon amour pour l’agronomie et le limon fertile de l’agronome que je devenais.

Faites- nous un bref résumé de ce qui fait l’objet de votre travail de recherche scientifique. 

L’équipe de recherche de Congo Bio Tech auquel j’appartiens travaille sur deux sujets majeurs actuellement. Le premier c’est la formulation locale des provendes pour ses bétails et des farines composites pour nourrissons.

Le deuxième c’est la production des innovations scientifiques, technologiques et environnementales dans les domaines de la gestion et de la valorisation des déchets biologiques. 

La formulation  de provende des aliments pour nourrisson est basée sur de procédés simples et valorisants de matières premières locales. Nous entendons ainsi contribuer à la création de l’alternative locale, à l’importation quasi-totale de ces deux types d’aliments et à la réduction de la malnutrition qui est l’un de grands fléaux qui sévissent dans notre pays la RDC

Les projets de valorisation des déchets sont  portés, entre autres, par l’université de Goma. Il est soutenu par l’Institut de la francophonie pour le développement durable. C’est pour nous une contribution à la création d’un écosystème de gestion et de valorisation de déchets biologiques pour une agriculture durable à travers la stimulation des innovations technologiques et le développement des outils de production en RDC.

Quelles sont vos plus grandes ambitions pour la recherche scientifique en agronomie et en ingénierie biologique à court et à long terme? 

J’ai foi en la réponse que l’agronomie et l’ingénierie biologique sont susceptibles de donner à la question du déficit congolais et africain en matière de production agricole et de sécurité alimentaire.

Et j’ai foi en ce que l’ingénierie biologique peut, comme entreprise, apporter face aux problèmes de pauvreté et de chômages de jeunes dans mon pays, dans ma région et dans l’ensemble du continent. 

Arsène  Ntamusige, ingénieur agronome à l’ Université de Goma

Sur le long terme, j’ambitionne de participer à asseoir dans mon pays la RDC, et dans l’ensemble du continent africain, une bio ingénierie ambitieuse et qui soit suffisamment raisonnée pour être à la hauteur des enjeux alimentaires, sociaux, économiques et environnementaux de notre temps.

Cela suppose que je m’investisse sur le court terme dans une formation agronomique très profonde. Cela suppose surtout que je participe et de façon continue et active au débat du domaine agricole au côté de mes pairs chercheurs surtout aux côtés des aînés du domaine.

Qu’avez-vous à dire, à ajouter pour finir cet entretien ?

Un vœu. Que beaucoup plus d’ africain s’engagent dans les champs de sciences agronomiques et de l’ingénierie biologique. C’est surtout le vœu que ceux qui par choix, ou par hasard y sont prennent conscience de la responsabilité qui est la leur.

Je crois que cette responsabilité est de nourrir, bien nourrir une société de plus en plus gourmande et avare. Il s’agit en fait de sauver l’homme et la nature, comme dirait Jean-Marie Plet. Mais il y a plus pour nous jeunes africain.

Nous avons un rêve continental à réaliser. Celui de construire la bio-ingénierie du futur, celui de construire l’ingénierie agricole alternatif, dont le métabolisme n’affecte pas négativement les ordres sociaux, environnementaux et relationnels comme dirait le sénégalais Felwine Sarr.

Arsène  Ntamusige, ingénieur agronome à l’ Université de Goma

Propos recueillis par Charlotte Ezèbada

Transcription par Ricardo Domingo 

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