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Fallou Guèye, herpétologue : « J’ai une passion pour les serpents parce que ce sont des animaux comme les autres » [Entretien]

En Afrique particulièrement, les nombreux mythes et légendes ont tôt fait d’installer un sentiment de crainte vis-à-vis des reptiles, en l’occurrence du serpent. Cet animal, dont certaines espèces sont venimeuses et d’une dangerosité redoutable, demeure très peu étudié dans bien de cas.
Et pourtant, le serpent reste un maillon capital de l’écosystème faunique.

Consécutivement au constat du très peu d’intérêt pour des recherches scientifiques approfondies en ce qui concerne les reptiles et en particulier les serpents, Fallou GUEYE, chercheur, a décidé d’installer un reptilarium au Sénégal.
Ce joyau dont il est aujourd’hui le responsable contribue à lever de plus en plus les barrières pour permettre, aux uns de découvrir, aux autres de redécouvrir, mais à tous d’admirer ces êtres vivants incontournables du règne animal.

All For Sciences Media : Fallou Guèye, faites- vous connaître à nos internautes

Fallou Guèye : je suis le responsable du reptilarium dans le parc zoologique Hann de Dakar. J’ai fait 26 ans en Italie où j’ai travaillé dans le zoo de Rome mais je voyais que les serpents sont étrangers dans mon pays et donc j’ai étudié ça avec le professeur Ignacio, que je remercie sincèrement. Après 26 ans, c’est le retour pour le pays. Je suis retourné au Sénégal et l’Etat m’a donné l’autorisation d’installer un reptilarium. Ceci parce que lorsqu’il y a des apparitions de serpents, on nous appelle et on les déloge pour les amener ici. Il y a des familles qui viennent pour faire des loisirs et il y a aussi des gens qui travaillent sur les serpents.

Quelle est votre passion pour ces reptiles ?

Ces reptiles sont une ressource naturelle pour moi. A l’âge de 10 ans quand j’allais à la forêt je regardais et j’avais un amour pour le serpent. Une fois que j’étais à Rome j’ai fait mes études sur les serpents en cherchant à faire quelque chose pour mon pays (laisser l’empreinte pour le futur). J’ai une passion pour les serpents parce que ce sont des animaux comme les autres.

Toutefois, je vois les gens qui ont pour habitude d’élever les moutons et les vaches pour leur intérêt ; avoir l’argent et manger. Et les serpents sont donc abandonnés, ce qui m’a poussé à installer ce reptilarium.

Je voyais aussi que les documentaires sur les serpents sont faits par les européens. C’est donc le moment pour que l’africain descende sur le terrain pour savoir qu’on peut faire des documentaires, travailler sur les reptiles et sur tous les autres animaux. C’est donc une révolution qui se forme ainsi dans mon cœur.

Aujourd’hui vous êtes un spécialiste en la matière ; alors dites-nous ce que représentent les serpents ou reptiles dans notre écosystème et dans notre environnement ?

Le serpent est un animal qui joue un grand rôle d’équilibre dans l’écosystème.

Il y a en effet beaucoup de médicaments qui sont faits à base du venin du serpent et même si le serpent n’a pas de venin, il joue quand même un rôle capital. Les souris sauvages sont responsables de plusieurs maladies et ces reptiles sont là pour tuer ces souris-là afin d’éviter le pire. Le serpent n’est pas si dangereux qu’on le pense. 

Quand il mange une souris, c’est qu’il peut faire un mois sans sortir et c’est grâce à des médicaments qu’on lui donne pour qu’il ne soit plus un danger pour la population lorsqu’il sort et pour qu’il soit protégé contre les tigres. Donc on doit les conserver.

Dans cette politique de conservation, est-ce que vous êtes confronté à des difficultés ?

Oui les difficultés ne manquent pas mais quand on a la passion, on arrive vite à les surmonter. Par exemple, l’Etat nous a donné de l’espace mais économiquement on n’a pas reçu d’aide. Mais, nous avons essayé de faire quelque chose pour notre pays le Sénégal en investissant nous-même.

A vrai dire, on n’a pas assez de difficultés et on remercie Dieu.

Combien de serpents avez-vous ici et quels sont les différents types de races que vous avez ?

Nous avons presque toutes les races qui circulent ici au Sénégal, environ une quinzaine. Par exemple, il y a au total 63 races de couleuvres ici au Sénégal. Etant donné que pour les travaux, on ne doit pas tuer les serpents, on n’est pas obligé d’avoir plusieurs couleuvres.

Il y a des fois où on nous appelle pour des interventions et si c’est des couleuvres, on les libère puisqu’ils ne présentent aucun risque pour l’homme. Mais les races plus importantes, on est obligé de les conserver ici dans le reptilarium.

FALLOU GUEYE SPECIALISTE DES SERPENTS

Quelles sont les races dangereuses que vous avez ici ?

Nous avons les cobras NAJA NIGRICOLLIS puisqu’ils font partie des 10 serpents les plus dangereux, selon les statistiques du recensement. On a aussi la vipère echis leucogaster, la vipère heurtante, la vipère echis carinatus sans oublier les atractaspis.

Aujourd’hui quelle est votre plus grande ambition pour ce projet ?

Je veux que ça s’élargisse. Je veux rentrer dans la sous-région parce que c’est pour le moment le seul reptilarium qui possède et conserve des serpents venimeux. J’ai fait des voyages sur Ouidah, kétou, Cotonou et j’ai constaté qu’il n’y a que de python royal et j’aimerais bien élargir ce projet partout en Afrique.

Propos recueillis par Giraud Togbé
Transcription par Ricardo Domingo

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