Notre société est confrontée à une surconsommation généralisée de produits de toutes sortes. Les fast-foods ont envahi le marché de la consommation comme jamais auparavant. Mais au-delà de ces options alimentaires bon marché, sommes-nous vraiment conscients de ce que nous mettons dans nos assiettes ? Savons-nous ce que nous devrions manger ? Cela n’est pas évident.
Pourtant, une bonne alimentation joue un rôle crucial dans le maintien de notre santé et de notre bien-être. Pour mieux comprendre l’importance d’une alimentation saine, nous avons interviewé Monica Rinaldi, docteur en nutrition et sécurité alimentaire, qui compte 17 ans d’expérience dans ce domaine.
D’aucuns disent qu’on peut prévenir et guérir certaines maladies par l’alimentation et le bien-être. Alors Mme, peut-on dire qu’on n’a pas besoin de cachets (médicaments) pour guérir de certaines maladies ?
Uhm, ce serait trop dire. Alors certainement on peut prévenir les maladies nutritionnelles (des carences comme le scorbut, la xérophtalmie, etc. et des excès comme le diabète, le cholestérol, etc.) par l’alimentation, mais pour les guérir il faut le plus souvent une supplémentation.
Ceci parce qu’au moment où une condition nutritionnelle (« j’ai la glycémie élevée » ou « j’ai une alimentation pauvre en vitamine C ») devient pathologique (« j’ai le diabète » ou « j’ai le scorbut »), il faut des doses bien plus concentrées d’actifs pour corriger le déséquilibre, de celles qu’on trouve en nature.
Ceci dit, une alimentation saine et équilibrée permet aussi plus en général de rendre le système immunitaire plus performant et donc de lui permettre de défendre l’organisme contre les maladies, et à les combattre (je parle ici notamment des maladies virales, dont la guérison dépend complètement du système immunitaire) plus efficacement.
Y a-t-il des maladies dont on peut prévenir et guérir par l’alimentation ?
Comme je disais de suite, l’alimentation équilibrée permet – si associée à une activité sportive modérée – de prévenir les maladies nutritionnelles par carence (anémie, xérophtalmie, etc.), les conditions de carence passagère (p.ex. la fatigue due à carences en magnésium…), et les maladies nutritionnelles par excès (diabète, hypercholestérolémie, triglycérides élevés…).
Quant à la guérison, une alimentation déterminée spécifiquement pour le patient par un diététicien ou un nutritionniste clinique (je le souligne ici pour éviter les coachs non qualifiés et les « université de la vie » qui s’improvisent nutritionnistes) peut corriger des carences passagères.
Pour guérir d’une maladie nutritionnelle établie, il faut nécessairement accompagner le régime adapté à un traitement médical ; en revanche il ne faut pas penser que prendre tout simplement un traitement médicamenteux suffit à guérir de ces maladies si on n’y associe pas l’alimentation correcte selon le cas.
Et évidemment non, l’alimentation ne peut pas à elle seule guérir les autres maladies. Donc méfiez-vous de ceux qui disent qu’on peut guérir du cancer par l’alimentation : ce n’est pas vrai. Par contre et ça c’est vrai l’alimentation équilibrée (comme j’ai dit avant) rend notre système immunitaire plus efficace et donc nous aide à être plus forts devant les maladies.
De quel type d’alimentation s’agit-il ?
En général il s’agit d’une alimentation qui suit la règle d’or de 2000 Kcal par jour, composés de 50%-60% glucides, 15-20% protides, 20-25% lipides, et qui satisfait les recommandations d’apport en vitamines et minéraux, sachant que les besoins de chacun varient selon l’âge, le style de vie, etc. Par exemple un homme de 30 ans très actif aura besoin de 2100 à 2400 Kcal, une femme de 65 ans plutôt sédentaire sera bien avec 1600 Kcal, un enfant de 7 ans en pleine croissance consommera 1500 Kcal par jour et une femme qui allaite aura besoin de 2900…
Si on veut simplifier cela, imaginons d’étaler tous les repas du jour d’un adulte bien portant sur une seule assiette : celle-ci sera couverte à moitié de fruits et légumes de plusieurs couleurs différentes (chaque couleur correspondant à une composition de vitamines et minéraux différente et également importante), à un quart de céréales, et à un quart de sources de protéines. En outre, chaque jour ces éléments doivent différer.
Par exemple si l’on a consommé du riz comme céréale aujourd’hui, demain ce sera des pommes de terre, après-demain du pain, en suite du fonio par exemple, puis on fera peut-être de la boule de mais, le lendemain encore des plantains… De même pour les protéines : si aujourd’hui on a consommé du bœuf, demain ce sera des haricots, le lendemain du poisson, puis encore du mouton, à suivre des œufs, puis du poulet, etc. Et ainsi pour les fruits et légumes. Il faut beaucoup varier.
Aussi, il y a toute une catégorie d’aliments dont notre corps n’a vraiment pas besoin, elle ne lui emmène rien de bon, et qu’il faudrait éliminer de son alimentation, ou au moins réduire considérablement : toutes les fritures, les sucres simples, les boissons sucrées, les cubes de bouillon, la margarine, la mayonnaise, l’alcool. Tous ces aliments sont parfaitement inutiles, voire dommageables. Une alimentation saine ne devrait pas en contenir.
Quant au sel, il faut en limiter la consommation, sauf en cas de pathologie pour laquelle le médecin ou le diététicien vous recommandera de l’éliminer. De même en vaut pour les graisses animales (beurre, crème, viande grasse, charcuterie à plus de 10% de graisses) : à réduire.
Certains estiment qu’il faut manger en buvant. D’autres soutiennent le contraire. Qu’est-ce qui est normal dans ces deux cas ?
Il est possible et même bien de boire des petites quantités d’eau en mangeant, surtout si ce sont des aliments très salés ou secs. Mais il ne faudrait pas boire des grandes quantités de liquides durant les repas, car cela peut entraver la digestion et causer des remontées acides. Par contre il faut boire beaucoup d’eau loin des repas, au moins 2 litres par jour, voire plus s’il fait très chaud.
Immédiatement après le repas, certaines personnes prennent des boissons gazeuses fraiches. Cela est-il sans conséquences ?
Cela dépend de la boisson. L’eau gazeuse (soda) est sans conséquence, par contre toutes les autres boissons gazeuses et sucrées, comme déjà souligné, sont à éviter. Quant à la température, il ne faudrait pas consommer des boissons glacées (moins de 5°C), surtout après le repas, pour éviter de bloquer la digestion et créer une congestion. Par contre l’eau peut être fraîche (autour de 10-15°C).
Est-ce que l’alimentation peut être source de maladies ?
Oui, tout excès nuit. On a fait des exemples plus haut. Par exemple un excès de sucre cause le diabète, un excès de graisses saturées provoque l’hypercholestérolémie, qui à son tour prédispose à des maladies cardiovasculaires et AVC. Au contraire une alimentation pauvre en vitamines et minéraux cause des maladies carencielles, comme des avitaminoses, l’anémie, le scorbut, la cécité nocturne, la fatigue chronique…
Ce que par contre beaucoup ne savent pas et là encore une fois je pointe le doigt contre les coachs autodidactes, les « nutritionnistes » formés en une semaine, les gourous des marketing multiniveaux et les influenceurs autoproclamés experts en nutrition est que aussi une alimentation excessivement pauvre en graisses ou riche en protéines ou pauvre en glucides peut avoir des très mauvaises conséquences sur la santé.
Notre organisme est une « machine » entrainée sur des dizaines de milliers d’années à résister aux famines : pour cela, quand il ne reçoit pas assez d’énergie, il bloque certains processus qui consomment trop de calories. C’est ainsi que les femmes qui se soumettent à des régimes draconiens et déséquilibrés peuvent subitement avoir des règles irrégulières (car la grossesse serait insoutenable en situation de carence alimentaire, donc l’organisme s’organise pour ne pas rester enceinte), ou
les adultes peuvent se retrouver avec des déséquilibres hormonaux entraînant un dysfonctionnement de l’hypothalamus, un vieillissement précoce (car la rénovation cellulaire est ralentie afin de consommer moins d’énergie) ou une décalcification osseuse. Quand vous avez un problème de santé, parlez-en à votre médecin.
On parle souvent du bien-être. De quoi s’agit-il ?
C’est une définition qui comprend beaucoup de choses !
C’est physique et psychologique. Pour le côté psychologique il y a tellement de facteurs qui rentrent en ligne de compte… et je ne suis pas une experte. Mais je sais que sans celui-ci, même le physique ne sera pas au top, car les deux vont ensemble.
Monica Rinaldi, spécialiste en nutrition et alimentation
Ceci dit, pour le côté physique le bien-être est déterminé par l’état de santé, qui est déterminé à son tour également par l’alimentation et l’activité physique. De l’alimentation on a parlé, maintenant je voudrais dire deux mots sur le sport.
Notre organisme est programmé pour bouger : la vie sédentaire est une conséquence de la modernité, et dirais-je une conséquence néfaste… Pour qu’il fonctionne bien, il a besoin d’une activité modérée (au moins !) et régulière. Celle-ci peut consister en 3 à 4 séances par semaine de 45 minutes chacune, d’un sport au choix (vélo, course, aérobique, foot… même la marche rapide).
Les bénéfices sont évidents : meilleur tonus musculaire, meilleure digestion, plus d’énergie, une peau plus belle, un système immunitaire plus performant qui nous permet de tomber malade moins fréquemment, et de guérir plus vite…
Aussi, le sport nous met de bonne humeur car l’organisme y répond en libérant des endorphines, « les hormones du bonheur » : les mêmes qui sont libérées par la cocaïne , le chocolat, ou en faisant l’amour ! Alors on est d’accord que, bien entendu qu’on peut faire l’amour tous les jours (mais ça ne nous épargne pas du sport ), mais la consommation de cocaïne n’est vraiment pas conseillée, et le chocolat oui il est bon mais… en consommer 100 g par jour peut nous amener d’autres problèmes !
Au Sahel, il y a des périodes où il fait extrêmes chaud. Quelles sont les attitudes, en termes de consommation, à adopter dans ces conditions ?
Il faut boire beaucoup d’eau 3 à 4 litres par jour et très régulièrement. Pas de boissons sucrées, surtout pas d’alcool. L’eau en revanche ne devrait pas être glacée risque de congestion mais fraîche (autour de 20°C). Il est aussi possible de boire des infusions tièdes ou fraîches pour varier un peu le goût.
Pas d’aliments très cuisinés aussi : préférer les crudités, les fruits frais, les plats cuisinés simplement et pas trop épicés ou gras pour ne pas alourdir le processus de digestion.
Propose recueillis par Masbé NDENGAR