Le Lac-Tchad, autrefois l’un des plus grands lacs d’Afrique, est aujourd’hui confronté à une crise environnementale majeure : son assèchement rapide, attribué en grande partie aux effets du changement climatique. En l’espace de trois décennies seulement, sa superficie est passée de 25 000 à 5 000 kilomètres carrés, perdant ainsi près de 95% de sa taille.
Cette diminution drastique a des répercussions catastrophiques sur les populations locales, l’économie régionale et la biodiversité. Face à cette urgence, des initiatives innovantes telles que la mise en place de puits de carbone émergent comme des solutions prometteuses pour restaurer cet écosystème vital.
L’assèchement du Lac-Tchad a des conséquences dévastatrices sur les populations locales, l’environnement et l’économie régionale. La sécurité alimentaire et hydrique de millions de personnes est menacée, la biodiversité s’appauvrit et les habitats naturels disparaissent progressivement.
Mbodou se souvient de son enfance sur une île au milieu du lac Tchad. Aujourd’hui, l’eau s’est retirée, et l’île n’est plus qu’une dune parmi les sables. Il montre les endroits où autrefois l’eau atteignait et où il y avait un grand arbre.
« Avant, il y avait assez de pirogues sur ces eaux ; des poissons mais aussi des hypopotames qu’on pouvait voir ici. Aujourd’hui, ces animaux ont disparu, remplacés par des zébus et des dromadaires. Pour trouver de l’eau, nous devons creuser au moins 9 mètres dans la vase pour atteindre la nappe phréatique, qui s’enfonce chaque année un peu plus. » Ajouta MBODOU, habitant de Djargandou, un village de la région du Lac-Tchad.
Au village Djargandou, tout le monde est conscient que la ressource en poisson s’épuise, mais il faut continuer à vivre et à se nourrir. Avec l’avancée du désert et le recul du lac, il deviendra un jour impossible de nourrir tout le monde. Pourtant, la population continue de croître, car l’eau reste une source de vie indispensable.
Tentatives de sauvetage du Lac
Depuis longtemps, les pays riverains du Lac-Tchad à savoir le Tchad, le Niger, le Nigeria et le Cameroun cherchent des solutions pour sauver le Lac-Tchad. La population utilise de plus en plus d’eau tandis que les besoins augmentent et les apports diminuent, rendant la situation critique. Entre temps, le réchauffement climatique continue son bonhomme de chemin et le Lac-Tchad en pâtis.
Parmi ces tentatives, nous avons, le projet Transaqua, : un projet de transfert d’eau du bassin du fleuve Congo vers le Lac-Tchad. Ce projet a offert une lueur d’espoir ; cependant, son financement, sa coordination entre les pays riverains et ses impacts environnementaux soulèvent des inquiétudes. Le projet se heurte à des défis logistiques, politiques et financiers considérables et sa mise en œuvre complète reste incertaine, laissant le lac vulnérable à une dégradation continue.
« Le projet de construction d’un canal de 1000 km pour détourner une partie des eaux du fleuve Oubangui vers le nord est un projet pharaonique, dont le coût n’a pas été estimé. Il risque fort de ne jamais voir le jour, comme beaucoup d’autres projets en Afrique. La crise de l’eau dans le lac Tchad reste une préoccupation urgente nécessitant des solutions concrètes et durables.» estime Moussa Abakar, sociologue et analyste politique.
Moussa Abakar, sociologue et analyste politique
L’établissement de puits de carbone autour des polders du Lac-Tchad émerge comme une option prometteuse pour atténuer les effets du changement climatique et restaurer l’écosystème. Cette approche consiste à planter des arbres dans les zones environnantes pour absorber le dioxyde de carbone de l’atmosphère, contribuant ainsi à réguler le climat local et à améliorer la qualité de l’environnement.
Les avantages écologiques du puits de carbonne
La plantation d’arbres dans les écosystèmes locaux présente de nombreux avantages écologiques :
- Absorption du CO2 et lutte contre le changement climatique : Les arbres absorbent le dioxyde de carbone lors de la photosynthèse, réduisant ainsi les émissions de carbone et atténuant l’impact du changement climatique.
- Restauration des écosystèmes locaux : Les arbres fournissent un habitat pour la faune et la flore, améliorant la biodiversité et réduisant l’érosion des sols.
- Régulation du climat local : Les arbres contribuent à réguler la température et à améliorer la qualité de l’air et de l’eau.
Quels espèces adaptées pour un puits de carbone dans les polders du Lac-Tchad ?
Pour BAÏWA MAKAYE HATAP écologue & botaniste, « Le choix des espèces d’arbres pour un projet de puitsde carbone autour du Lac Tchad devrait prendre en compte plusieurs facteurs, notamment les conditions climatiques locales, la disponibilité en eau, la qualité du sol et les besoins des communautés locales. » En voici les recommandations :
- Acacia senegal : Aussi connu sous le nom d’acacia à gomme arabique, cet arbre est bien adapté aux zones arides et semi-arides. Il peut tolérer des conditions de sécheresse et ses racines profondes aident à stabiliser le sol.
- Prosopis africana : Cette espèce d’acacia africain est également bien adaptée aux zones arides et peut tolérer des sols pauvres en nutriments. Elle a également des propriétés fixatrices d’azote, ce qui peut améliorer la fertilité du sol.
- Balanites aegyptiaca : Communément appelé le balanite d’Égypte, cet arbre est résistant à la sécheresse et produit des fruits comestibles. Il peut être utile pour la sécurité alimentaire des populations locales tout en contribuant à la séquestration du carbone.
- Leucaena leucocephala : Cette espèce est originaire des régions tropicales et subtropicales et peut tolérer des conditions arides. Elle a la capacité de fixer l’azote atmosphérique dans le sol, ce qui peut améliorer sa fertilité.
- Faidherbia albida : Également connu sous le nom d’acacia albida, cet arbre est bien adapté aux zones arides et semi-arides. Il est connu pour sa capacité à perdre ses feuilles pendant la saison des pluies, ce qui permet à la lumière de pénétrer dans le sol et favorise la croissance des cultures.
- Acacia raddiana : Aussi connu sous le nom d’acacia blanc, cette espèce est bien adaptée aux zones arides et peut tolérer des conditions de sécheresse extrême. Ses racines profondes aident à stabiliser le sol, ce qui peut être bénéfique dans les régions sujettes à l’érosion. De plus, cet acacia fournit de l’ombre et de l’abri pour la faune locale, favorisant ainsi la biodiversité.
- Phoenix dactylifera : Communément appelé le palmier dattier, cette espèce est précieuse pour les communautés locales en raison de ses fruits comestibles, les dattes. En plus de fournir une source de nourriture, les palmiers dattiers peuvent également jouer un rôle dans la séquestration du carbone, surtout lorsqu’ils sont cultivés de manière durable.
« Avant de planter des arbres, il est important de mener des études approfondies sur le terrain pour évaluer les conditions spécifiques et consulter les communautés locales pour s’assurer que les espèces choisies répondent à leurs besoins et préoccupations. De plus, la diversification des espèces peut contribuer à la résilience de l’écosystème et à la stabilité du projet de puits de carbone. » a-t-il ajouté.
Impacts positifs du puits de carbone sur le cycle de l’eau et la qualité des sols
Ce projet a des effets positifs sur le cycle de l’eau et la qualité des sols :
- Amélioration de l’infiltration de l’eau : Les racines des arbres favorisent l’infiltration de l’eau dans le sol, rechargeant les nappes phréatiques.
- Réduction de l’érosion : Les arbres protègent le sol contre l’érosion due aux pluies et au drainage.
- Fixation de l’azote : Certains arbres, comme le Faidherbia albida, fixent l’azote dans le sol, améliorant sa fertilité.
- Apport de matière organique : Les feuilles et les racines des arbres se décomposent et enrichissent le sol en matière organique, améliorant sa structure et sa fertilité.
Aspects socio-économiques et implications politiques
Pour Alladoumnodji Urbain, Sociologue, « la création d’un puits de carbone autour du Lac Tchad ne présente pas seulement des avantages environnementaux, mais également des retombées socio-économiques positives et des implications politiques importantes. Parmi ceux-ci, nous avons la création d’emploi, le développement des compétences ; la valorisation des produits forestiers non ligneux; l’amélioration de la sécurité alimentaire ».
- Création d’emplois : La plantation et l’entretien des arbres nécessiteront de la main-d’œuvre, créant ainsi des emplois locaux et stimulant l’économie régionale.
- Développement des compétences : Le projet peut inclure des programmes de formation pour les populations locales sur les techniques de plantation et de gestion durable des forêts, améliorant leurs compétences et leur employabilité.
- Valorisation des produits forestiers non ligneux : Certains arbres plantés pourraient fournir des produits forestiers non ligneux tels que des fruits, des noix ou des gommes, générant des revenus supplémentaires pour les communautés locales.
- L’amélioration de la sécurité alimentaire : Un meilleur cycle de l’eau et une fertilité accrue des sols grâce aux arbres pourraient soutenir des pratiques agricoles plus productives, améliorant la sécurité alimentaire locale.
Implications des politiques
La réussite de ce projet ambitieux nécessite une bonne implication des politiques.
- Coopération régionale : La réussite du projet nécessitera une coopération étroite entre les pays riverains du Lac Tchad. Cela pourrait encourager le dialogue et la collaboration régionale sur des questions environnementales et de développement durable plus larges.
- Implication des communautés locales : La participation active des communautés locales à la planification et à la mise en œuvre du projet est essentielle pour sa réussite à long terme et son appropriation. Cela implique de tenir compte de leurs besoins et de leurs connaissances traditionnelles.
- Mobilisation des financements : Le projet nécessitera des financements provenant de différentes sources, y compris les gouvernements nationaux, les bailleurs de fonds internationaux et le secteur privé. La réussite dépendra de la capacité à mobiliser des ressources et à garantir un investissement durable.
Succès Djimtebaye (Stag)