ENTRETIEN RECHERCHE

La production d’alvin de qualité, défis du développement de l’aquaculture dans la sous-région [ENTRETIEN ]

S’il est établi que le monde entier fait aujourd’hui les frais de la gestion peu rationnelle des ressources vertes s’étant étendue sur plusieurs années, la mauvaise gestion des ressources bleues est également une problématique colossale aux conséquences drastiques et déjà perceptibles.

Les ressources marines ont pendant longtemps et encore aujourd’hui, fait l’objet d’une insouciance étonnante dans les actions humaines. Pollution sans vergogne et exploitation disproportionnée, ont laissé penser à un acharnement contre cette ressource, qui pourtant reste la plus imposante de la planète terre.

Heureusement, de plus en plus, les consciences s’éveillent quant à l’urgence d’entreprendre des actions concrètes pour inverser la tendance pour une utilisation plus réfléchie des ressources hydriques.

Ainsi, la plateforme technique de recherche aquacole mise en place dans le cadre du programme « Aar Sunu Guédj » en wolof, qui veut dire ‘’ protégeons notre mer ‘’ en français, vise à contribuer à faire changer de paradigme.
Patrice Brehmer, chercheur à l’institut de recherche pour le développement (IRD) et basé actuellement à la commission sous régionale des pêches a accordé une interview à notre équipe.

Patrice nous sommes là dans le périmètre de la serre aquacole de la plateforme technique de recherche. De quoi s’agit-il ?

On a mis en place une plateforme technique de recherche aquacole au sein d’un programme qu’on appelle « Aar Sunu Guedj »,en wolof qui veut dire en français protégeons notre mer. Et ce programme se déroule en trois axes. Le premier axe c’est le volet de médiation scientifique où on va essayer de retranscrire les travaux issus de nos projets de grandes recherches auprès du grand public et des jeunes en particulier.

Parce qu’on souhaiterait susciter des vocations chez des jeunes africains pour travailler dans les métiers de la recherche pour le secteur aquacole et des pêches en général.
Le deuxième volet c’est de développer l’économie bleue qui a besoin de la recherche pour se développer dans les pays de la sous-région.

On va donc travailler dans un premier temps sur deux activités génératrices de revenus alternatives à la pêche, que sont, l’aquaculture et l’agro culture. Ici, on est sur la plateforme aquacole qui est constituée d’un grand nombre de bassins pour réaliser des travaux sur le grossissement, sur la reproduction.

A côté de ce bâtiment vous voyez le bassin qui permet le recyclage des eaux issues de nos activités. Et encore juste à côté on a mis en place une unité de production, un insectarium pour travailler en particulier sur la mouche soldat noire. Ce qui permet une production de protéine, qui pourrait être une alternative utile à la farine de poisson dans la composition des aliments aquacoles. Sachant que c’est un problème qui est plaignant dans toute la sous-région.

Nous sommes ici au Sénégal, donnez-vous une dimension sous régionale à vos activités ?

La dimension sous régionale qu’on souhaite donner à nos activités se fait par le biais de la commission sous régionale des pêches et elle a commencé depuis plusieurs années au travers du projet Award qui donnait lieu à des conférences annuelles où sur l’activité aquacole, on a réussi à inviter des spécialistes du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire.

On dirait des observateurs comme la Mauritanie et le Cap-Vert qui n’ont pas encore la culture aquacole comme d’autres pays de la sous-région. Cette plateforme a ainsi la volonté d’essayer de travailler en synergie avec les institutions de recherche qui souhaitent travailler au développement de l’aquaculture dans leur pays respectif de la sous-région, afin d’unir tous nos efforts.
On souhaite d’ailleurs dans cet élan de synergie, parce qu’on a vraiment besoin de ça au Sénégal et dans toute la sous-région. On voudrait essayer aussi de fédérer tous les acteurs universitaires étatiques mais aussi privés au travers de cette plateforme aquacole.

On a aussi des laboratoires de microbiologie et de chimie analytique sur le même site avec des salles de conférences qui nous permettront d’accueillir le grand public mais aussi de faire des ateliers de formation. Donc là on a une dimension sous régionale à l’ensemble des activités qui vont démarrer et qui ont déjà démarré au Sénégal.

Vous êtes un spécialiste dans le domaine de l’aquaculture, aujourd’hui quels sont les défis auxquels sont confrontés les chercheurs du domaine ?

Les grands défis auxquels doit faire face le développement de l’aquaculture dans la sous-région c’est la production d’alevin de qualité, l’accès à un aliment qui soit de qualité nutritive et abordable pour supporter l’activité d’un point de vue économique.

pATRICE BREHMER CHERCHEUR SCIENTIFIQUE

Il y a également cette dualité entre le choix d’essayer de favoriser les acteurs industriels ou de favoriser des artisans ou des fermiers à une échelle beaucoup plus restreinte.
Et là les choix sont difficiles entre eux. Le tout c’est qu’il faut essayer de privilégier les acteurs industriels en promouvant les investissements étrangers et donc de générer des revenus ou de travailler plutôt sur la sécurité alimentaire au travers de petites fermes artisanales.

Vous l’avez si bien dit, nous sommes dans un contexte de changement climatique Est-ce qu’ il y a un impact particulier du changement climatique sur vos activités ?

C’est vrai que le réchauffement climatique pose certaines questions justement aux crottes et en collaboration avec les institutions de la sous-région du Maroc et de la Mauritanie en particulier. Il y a des travaux qui sont sortis et qui montrent qu’il y avait des remontées du stock de sardinelle qui est donc la source de protéines majeure pour l’alimentation humaine dans la sous-région. Ça nous pose des questions.

Avec l’arrivée des usines de farine de poisson qui augmente la pression sur ce même stock qui est soumis aux aléas du changement climatique, il faut vraiment trouver des moyens pour lever la pression sur l’effort de pêche qui est fait sur ce stock afin de trouver des solutions ; en tout cas des alternatives qui sont permettent la sécurité alimentaire pour le Sénégal et la sous-région.

Patrice Brehmer, chercheur scientifique

Une dernière question pour finir, depuis quand la plateforme de recherche a été mise en place et quel est le bilan du parcours que vous avez déjà fait ?

Cette plateforme n’avait pas encore le nom de plateforme il y a cinq à six ans de cela. On est parti d’un projet financé par la banque mondiale pour produire des alevins en masse avec l’ISRA et puis on a monté en puissance avec des partenariats en France, au Canada et dans les pays de la sous-région pour mettre en place notre système d’aquaponie et aujourd’hui pouvoir proposer un outil performant qui est d’ailleurs encore en cours d’évolution et de montage.

Un petit performant pour tous les acteurs qui souhaitent s’investir dans la recherche aquacole au niveau national et au niveau sous régionale.

Votre mot de la fin

Moi je souhaite vraiment que notre initiative soit porteuse d’espoir aussi bien pour la protection de l’environnement au Sénégal mais, surtout aussi montrer l’intérêt productif de l’économie bleue en général.

Ceci permettra de générer de nouvelles activités comme des alternatives à la pêche qui puissent fournir des emplois et être un substitut à l’activité de pêche vraiment principale dans la sous-région.

Propos recueillis par Giraud Togbé

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