Au Sénégal, depuis plusieurs décennies, des organisations de la société civile, des institutions de recherche, certaines communes et l’Etat portent diverses initiatives pour développer l’agro écologie.
Plus récemment, l’Etat sénégalais a placé la transition agro écologique (TAE) parmi les cinq initiatives majeures du Plan d’Action Prioritaire de la deuxième phase du Plan Sénégal Émergent (2019-2023). C’est de là qu’a pris corps cette volonté d’instaurer une initiative qui va regrouper les acteurs clefs des questions liées à la préservation de l’environnement au Sénégal.
Nous avons reçu, en entretien la coordonnatrice générale de la DYTAES au Sénégal, Laure Diallo. Elle est conseillère en suivi évaluation au sein de l’Organisation non gouvernementale ENDA-PRONAT et elle assure également le secrétariat de la DYTAES.
All For Science Media : Pourquoi la Dynamique de Transition Agro Ecologique au Sénégal (DYATES) ?
Laure Diallo : Elle est née d’un besoin de rassembler tous les acteurs engagés dans la transition. Quand on parle d’acteurs engagés, c’est tout ce qui est organisation de producteurs, ONG, instituts de recherches, de formation, de consommateurs et d’élus locaux.
Ensemble on a créé cette dynamique en 2019, suite à l’appel du président qui a déclaré dans le Plan Sénégal Emergeant, que la transition agro écologique était une priorité. Donc on s’est dit que c’est l’occasion plus que jamais de se rassembler et de créer un mouvement fort pour contribuer et accompagner l’Etat dans sa mission.
Depuis le 07 Février 2022 vous organisez une caravane, dite donc de la Dynamique de Transition Agro Ecologique au Sénégal (DYATES), quels sont les objectifs de cette caravane ?
En 2019, on a fait une première caravane pour recueillir les priorités et les préoccupations des ruraux par rapport à la transition agro écologique. Toutes leurs préoccupations étaient synthétisées dans un document de contribution politique qui a été remis au chef de l’Etat en janvier 2020, lors des journées de l’agro écologique.
Ce document, ça fait maintenant deux ans qu’il a été remis et il y a certaines recommandations qui ont été mises en œuvre, comme la subvention pour les engrais organiques et là il y a une nouvelle opportunité qui s’est présentée ; d’approfondir ces propositions avec le plan Sénégal Emergent Vert, donc qui intègre l’agro écologie.
C’est pourquoi on prévoit une deuxième tournée de consultation des ruraux. Et c’est cette caravane là, à travers laquelle on compte recueillir et affiner les propositions de 2019 pour contribuer au plan Sénégal Emergent, mais aussi au forum mondial de l’eau, à la COP 15 de la convention des nations unies sur la lutte contre la désertification.
Donc toutes ces propositions qu’on va recueillir à partir de la population rurale, on va le rassembler dans un nouveau document qu’on va remettre au PS-VERT, au Forum mondial de l’eau et à la COP 15 qui se tiendra à Abidjan en Mai.
Vous êtes spécialiste des questions environnementales, quels sont les défis de l’agro écologie ?
Le principal défi de l’agro écologie c’est la mise à l’échelle. Puisqu’on a vu qu’au niveau du Sénégal et dans toute la sous-région, qu’il y a une multitude d’initiatives et de projets mais qui se localisent en général à des échelles assez petites.
Toutefois, on veut vraiment passer à l’échelle territoriale donc mettre en synergie plusieurs communes dans un département par exemple, qui vont occuper des territoires beaucoup plus grands avec des pratiques agro écologiques.
Par rapport à ces défis-là, il faut travailler sur plusieurs leviers. Il y a la réintroduction des arbres dans le système de production, la subvention des intrants bio organiques que le ministère de l’agriculture subventionne.
Ce qui va contribuer à la restauration des sols. Il y a également une meilleure intégration agriculture-élevage, la production de forage et plein de choses qui peuvent être faits pour restaurer la valorisation des déchets ménagers, qui doivent retourner aux campagnes ; tout ce qui est produit à Dakar.
Voilà autant de choses qu’on peut développer dans le cadre de la transition agro écologique en partenariat avec les collectivités territoriales, avec les écoles, les agriculteurs et bien d’autres.
Pensez-vous qu’effectivement tous ces acteurs que vous venez de citer sont impliqués pour l’atteinte des objectifs ?
Mais non ! Ils ne sont justement pas encore tous impliqués. C’est d’ailleurs l’un des objectifs de la caravane, qu’est de sensibiliser davantage et de leur faire comprendre qu’il ne faut pas trop attendre l’Etat central. Mieux qu’au niveau des territoires, on peut s’organiser entre nous et commencer ce travail de mise à l’échelle.
L’autre difficulté des acteurs au plan local, reste l’accès au financement pour mettre en œuvre leurs ambitions. Que faites-vous à ce titre ?
Voilà ! L’une des limites c’est que l’agriculture n’est pas une compétence transférée dans le cadre de la décentralisation ; donc ça limite quand même le pouvoir d’action des mairies. Mais, quand vous allez dans les communes voisines, où on était ces deniers jours, vous verrez que malgré tout, il y a des maires qui sont très engagés et qui parviennent à lever des fonds pour mettre en œuvre leur programme de transition agro écologique dans leurs communes.
Donc ce n’est pas impossible. Pour moi c’est un plaisir, un honneur de pouvoir travailler dans une synergie d’action comme ça, avec toute cette diversité d’acteur.
Je trouve que c’est très motivant et ça demande d’espoir pour le futur du Sénégal, d’avoir des chercheurs, des consommateurs, des ONG, des producteurs et tout le monde ensemble et avec le soutien de l’Etat on peut aller vraiment loin. Je pense !
Entretien réalisé par Giraud Togbé
Transcription Ricardo Domingo