Des projections du Rapport Goalkeepers 2024 indiquent que le changement climatique pourrait entraîner la faim chez 40 millions d’enfants supplémentaires d’ici 2050. Cependant, une action immédiate pourrait non seulement améliorer la santé, mais aussi stimuler la croissance économique.
Le Rapport Goalkeepers 2024 de la Fondation Bill & Melinda Gates, intitulé « La course pour nourrir un monde qui se réchauffe » met en lumière les « énormes défis » que pose le changement climatique sur la nutrition et la santé des enfants. Sans action mondiale immédiate, le rapport prévoit que le changement climatique pourrait entraîner un retard de croissance chez 40 millions d’enfants supplémentaires et une émaciation chez 28 millions d’autres entre 2024 et 2050.
Pour éviter cela, il est important de mettre en œuvre des solutions à grande échelle renforçant ainsi la résilience au changement climatique tout en stimulant la croissance économique. Le rapport invite, à cet effet, à des investissements ciblés pour améliorer la santé et la nutrition des enfants, en particulier dans les régions les plus touchées par la crise climatique.
Car, souligne le rapport, « plus de 400 millions d’enfants ne reçoivent pas les nutriments dont ils ont besoin pour grandir et s’épanouir ». En 2022, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que 148 millions d’enfants souffraient d’un retard de croissance et 45 millions d’enfants étaient émaciés, les formes les plus graves de malnutrition chronique et aiguë.
Parallèlement, alors que les défis mondiaux s’intensifient, la proportion de l’aide étrangère allouée à l’Afrique a diminué. En 2010, 40 % de cette aide était destinée aux pays africains. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à 25 %, le pourcentage le plus bas depuis 20 ans, alors que plus de la moitié des décès d’enfants surviennent en Afrique subsaharienne. Cette tendance met en danger des centaines de millions d’enfants, les exposant à un risque accru de décès ou de maladies évitables, et menace les progrès significatifs réalisés en matière de santé mondiale en Afrique entre 2000 et 2020.
Financement vital nécessaire
Bill Gates note que « le monde est aujourd’hui confronté à plus de défis qu’à tout moment de ma vie adulte : inflation, dette, nouvelles guerres. Malheureusement, l’aide ne suit pas le rythme de ces besoins, surtout dans les régions qui en ont le plus besoin ». Il appelle à maintenir le financement de la santé mondiale et à répondre immédiatement à la menace croissante de la malnutrition infantile en soutenant le Fonds pour la nutrition infantile, une nouvelle plateforme qui coordonne le financement des donateurs pour la nutrition.
Gates insiste également sur la nécessité de financer intégralement les institutions établies comme Gavi, l’Alliance du vaccin, et le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme qui doivent procéder à leur reconstitution de fonds en 2025.
« Si nous faisons ces trois choses, nous ne nous contenterons pas d’inaugurer une nouvelle ère pour la santé mondiale et de sauver des millions de vies, nous prouverons également que l’humanité est encore capable de relever ses plus grands défis », dit Gates.
Le rapport souligne que les coûts économiques de la sous-nutrition sont considérables. Chaque année, révèle-t-il, la malnutrition entraîne une perte de productivité estimée à 3 000 milliards de dollars, en raison des retards dans le développement physique et cognitif des individus. Dans les pays à faible revenu, cette perte représente entre 3 % et 16 % (ou plus) du PIB, équivalant à une récession mondiale permanente similaire à celle de 2008.
Des outils éprouvés existent aujourd’hui
Pour Bill Gates, « le meilleur moyen de lutter contre les effets du changement climatique consiste à investir dans la nutrition. Il est désormais clair que la malnutrition rend chaque avancée de notre espèce de plus en plus difficile. »
Pour ce faire, le rapport Goalkeepers 2024 met en avant des solutions innovantes pour combattre la malnutrition mondiale. Il présente des outils éprouvés qui aident à résoudre le problème de la malnutrition et qui renforcent la résilience des populations face aux effets du changement climatique et réduisent la mortalité infantile.
Parmi ces outils figurent les nouvelles technologies agricoles. Elles permettent de produire jusqu’à deux ou trois fois plus de lait plus sûr prévenant ainsi des millions de cas de retard de croissance chez les enfants d’ici 2050. En Inde, en Éthiopie, au Kenya, au Nigeria et en Tanzanie, ces technologies pourraient prévenir 109 millions de cas de retard de croissance chez les enfants d’ici 2050.
L’enrichissement des aliments de base est également un outil que présente le rapport. Il s’agit de nouvelles méthodes d’enrichissement du sel et du bouillon qui peuvent réduire des millions de cas d’anémie et prévenir les décès dus aux anomalies du tube neural.
En Éthiopie, un nouveau procédé d’enrichissement du sel en iode et en acide folique pourrait réduire le taux d’anémie de 4 % et éliminer jusqu’à 75 % des décès et des mort-nés dus à des anomalies du tube neural, renseigne le rapport. Au Nigeria, l’enrichissement en fer, en acide folique, en zinc et en vitamine B12 des cubes de bouillon pourrait éviter jusqu’à 16,6 millions de cas d’anémie et jusqu’à 11 000 décès dus à des anomalies du tube neural.
Fournir des vitamines prénatales de haute qualité aux femmes enceintes pourrait sauver près d’un demi-million de vies et améliorer les résultats des naissances de 25 millions de bébés d’ici 2040 fait parti des trouvailles de la fondation Bill et Mila Gates. L’adoption de suppléments en micronutriments multiples (MMS) ne coûte que 2,60 dollars pour une grossesse entière dans tous les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Le rapport souligne également comment les nouvelles recherches prometteuses sur le microbiome peuvent améliorer la santé des personnes. Des études indiquent qu’une meilleure santé intestinale peut aider les enfants à absorber les nutriments, à développer un système immunitaire fort et à grandir comme ils le devraient pour s’épanouir. M. Gates précise qu’une meilleure compréhension de la santé intestinale pourrait changer non seulement la façon dont le monde gère la malnutrition, mais également la suralimentation, qui affecte les pays riches.
Des cas d’école de lutte contre la Malnutrition
Le rapport Goalkeepers présente également des essais d’agriculteurs et d’experts en première ligne de la crise de la malnutrition, qui expliquent l’impact de ces outils sur leurs communautés.
Sushama Das, productrice laitière à Astaranga, dans l’État indien d’Odisha, témoigne des bienfaits du Programme d’amélioration et de promotion de l’élevage : « Aujourd’hui, nous avons huit vaches qui produisent 60 litres de lait par jour… Les subventions et les programmes de formation ont aidé notre famille à gagner plus d’argent – notre revenu mensuel est aujourd’hui cinq fois supérieur à ce qu’il était auparavant ».
Coletta Kemboi, une productrice laitière de Maili Nne, au Kenya, qui a participé à une formation avec MoreMilk, note qu’ « avant, il y avait des traces de lait impur, mais depuis que j’ai suivi la formation, ils [les inspecteurs] sont venus environ trois fois dans notre magasin et leurs tests prouvent que notre lait est bon… L’argent supplémentaire que nous gagnons va à la ferme… Nous sommes en mesure de payer les frais de scolarité de mes trois enfants ».
Ladidi Bako-Aiyegbusi, directeur de la nutrition au ministère nigérian de la santé et de la protection sociale et responsable d’une initiative de grande envergure visant à enrichir les bouillons cubes, martèle que « si les enfants de moins de cinq ans n’ont pas accès aux nutriments essentiels dont ils ont besoin pour grandir, s’épanouir et mener une vie saine, ils sont privés de leur avenir ».
Le Dr Sabin Nsanzimana, ministre rwandais de la santé et chef de file des efforts visant à garantir l’accès de toutes les femmes rwandaises aux MMS, quant à elle, souligne que « les vitamines prénatales sauvent des vies. C’est pourquoi on les trouve dans les rayons des supermarchés dans les pays riches.
Mais pour les femmes des pays à revenu faible ou intermédiaire, comme le Rwanda, elles sont à la fois plus essentielles et plus difficiles à trouver ». À ce jour, plus de 50 000 femmes rwandaises ont reçu des MMS dans le cadre d’un programme dans sept districts où les taux de retard de croissance sont les plus élevés.
Le Dr Víctor Aguayo, directeur de la nutrition et du développement de l’enfant à l’UNICEF, écrit : « Le Fonds pour la nutrition de l’enfant pourrait changer la donne. Il a le potentiel de répondre à la crise de la malnutrition infantile et de transformer la philanthropie en faveur de la nutrition maternelle et infantile ».
Dô DAO