ACTU SCIENCE

Recherche : les résultats scientifiques éclairent les politiques publiques

La médiatisation de ses recherches par des médias scientifiques lui a permis d’atteindre une audience plus large, d’obtenir le soutien de l’Académie des sciences, et même de nouveaux financements.

Du 10 au 15 juin 2025, l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan a accueilli la 2ᵉ Conférence mondiale des journalistes scientifiques. Plus de 60 journalistes venus de 17 pays  d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale, d’Europe et d’Amérique du Nord  se sont retrouvés pour débattre, se former, et surtout, explorer le rôle du journalisme scientifique dans la prise de décision politique.

Organisé autour du thème « Une seule santé », ce rendez-vous de haut niveau a permis d’aborder des sujets transversaux comme les zoonoses, la vaccination, la déforestation, l’agroécologie ou encore les médecines traditionnelles. Mais surtout, il a mis en lumière l’impact réel de la recherche sur les décisions politiques, à travers des témoignages concrets.

À travers les visites de terrain organisées en partenariat avec l’Institut Pasteur, l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) entre autres, les journalistes ont découvert comment les institutions de recherche en Côte d’Ivoire collaborent avec les scientifiques pour faire entendre leur voix dans les sphères de décision.

Des experts ont rappelé que les politiques publiques bien informées sont celles qui s’appuient sur des données solides, issues de travaux de recherche.

Dans ce processus, le rôle des journalistes scientifiques est fondamental dans la mesure où ils se positionnent comme le pont entre les connaissances produites par les chercheurs et les décideurs politiques. Mieux, ils traduisent les résultats en langage accessible, contextualisent les enjeux, interrogent les chercheurs, et suscitent le débat public.

Ce travail de vulgarisation peut influencer les comportements citoyens, mais aussi attirer l’attention des décideurs sur des sujets parfois négligés.

Koné Nazere, Responsable suivi évaluation, préservabilité, apprentissage au sein du réseau des organisations de lutte contre le paludisme en Côte d’Ivoire a souligné que les études sur la prise en charge communautaire ont joué un rôle dans la révision des politiques sanitaires en Côte d’Ivoire. 

Pour rappel, «il y a quelques années en arrière, il n’y avait pas la possibilité de faire des prises en charge dans la communauté. Mais, les recherches ont montré que la pression de la maladie dans la communauté était si grande et que ces patients,   au moins 25% de ces malades arrivaient à l’hôpital dans une situation de gravité, et pratiquement 30% de ces malades ne venaient même pas à l’hôpital, certains faisaient de l’automédication, etc» raconte-t-il.  

En matière de lutte contre le paludisme,  fait savoir  la source, il y a eu beaucoup d’études sur la prise en charge précoce dans les communautés. «Ces études ont permis de mettre en œuvre la prise en charge précoce à travers les agents de santé communautaire.

La décision a été prise grâce aux études prouvant que les agents de santé communautaire pouvaient efficacement prendre en charge les cas simples. » a indiqué notre interlocuteur.

Quand on prend le domaine de la recherche agricole en Côte d’Ivoire,  des études scientifiques sur la production et la sécurité alimentaire ont permis de structurer des politiques autour de la production de semences et de l’adaptation des cultures vivrières aux réalités régionales.

 « Il y a eu en Côte d’Ivoire une planification, un programme de réhabilitation  du verger au début des années 2012-2010.   Selon ce programme, on devrait atteindre 2 millions de tonnes autour de 2020, et les 2 millions de tonnes ont été atteints en 2016. Donc il y avait une décision politique à prendre.» informe le Directeur scientifique du CNRA, le professeur Désiré Pokou. 

Il  confie que « les politiques ont analysé et ont demandé au CNRA  de suspendre la production de semences améliorées, en question de juguler la production de cacao… Donc c’est un exemple de produit qui est pris en compte dans une décision politique. » dit-il 

Développement communautaire

« Les moustiquaires qui sont utilisés à Abidjan ne sont pas forcément les moustiquaires qui sont utilisés à Bouake. Ce sont des études qui ont montré les résistances des moustiques aux médicaments qui étaient déjà utilisés, qui ont donc permis d’adapter ces stratégies.

D’autres études ont montré que tous les efforts, si ces efforts n’incluent pas la participation de la communauté, tout ce que nous faisons reste vain », pense Koné Nazere.

Le résultat ? Des stratégies ajustées, reposant sur la mobilisation communautaire et une promotion sanitaire. « En termes de communication, raconte notre interlocuteur, nous avons développé le changement social et comportemental en matière de santé.

Je pense que toutes ces réformes, toutes ces stratégies qui se retrouvent désormais dans les plans stratégiques sont possibles parce qu’on a des évidences, des études, des résultats des recherches qui nous permettent de convaincre l’Etat de Côte d’Ivoire de changer l’orientation de nos stratégies »,a-t-il conclu.

Collaboration journaliste et chercheur réussie

Dr Rodrigue Kouakou, enseignant-chercheur à l’Université Nangui Abrogoua, en est un exemple de collaboration réussie entre le journaliste scientifique et chercheur.

Interrogé par notre rédaction,  il fait savoir que ses travaux sur la bêta-lisation (production de biogaz à partir des fientes de poules) lui ont valu un prix ARCAD et une reconnaissance nationale suite à sa vulgarisation dans les médias scientifiques.

« Je crois qu’à travers la presse scientifique… la valorisation de mes recherches a décollé. C’est à travers les podcasts et les publications de mes travaux que mes travaux ont eu une portée nationale», confesse le chercheur. 

A en croire notre interlocuteur, la médiatisation de ses recherches par des médias scientifiques lui a permis d’atteindre une audience plus large, d’obtenir le soutien de l’Académie des sciences, et même de nouveaux financements.

Selon lui, une fois divulgué à grande échelle, ses travaux ont intéressé «l’Académie des sciences, qui m’a décerné un prix et encore des encouragements pour continuer», poursuit-il. 

Dans un contexte africain marqué par des défis majeurs, changement climatique, épidémies, insécurité alimentaire, pollution, le besoin d’une culture scientifique partagée n’a jamais été aussi pressant. Les journalistes scientifiques et les chercheurs peuvent, ensemble, faire de la science un bien commun, au service de la santé, du développement et de l’environnement.

Cette conférence mondiale, à travers ses échanges, ses formations et ses témoignages, a semé les graines de cette alliance, en posant les bases d’un écosystème où la recherche éclaire les politiques, et où le journalisme accompagne les transitions.

Edithe Valerie Nguekam

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