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Musée de l’eau : un voyage au cœur des mystères de l’or bleu

Le Musée de l’Eau, joyau situé à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou, est sans doute un phare de savoir dans le paysage sahélien du Burkina Faso. Ici, l’élément vital qu’est l’eau est célébré et scruté sous toutes ses facettes dans une région où chaque goutte est précieuse.

Fondé par Alassane Samoura, sociologue de formation admis à la retraite, ce musée en plein air transcende les frontières traditionnelles, offrant un sanctuaire où la culture et l’anthropologie de l’eau s’entremêlent. Reportage !

Dans son boubou bleu rayé, coiffé d’un bonnet zigzag à l’image d’Amilcar Cabral, Alassane Samoura, la soixantaine bien révolue, a pris sa retraite après un quart de siècle dédié à la gestion de l’eau. En 2005, l’homme s’est défini une nouvelle manière de servir la société en fondant le tout premier musée de l’eau en Afrique.

Dans son pays sahélien, où « la compréhension de l’eau par les habitants est limitée », M. Alassane s’était fixé pour objectif « d’enrichir leurs connaissances sur cette ressource vitale pour une gestion plus efficace ». Sur une étendue de 10 hectares, le musée occupe actuellement 2 hectares, se métamorphosant en un havre de connaissance et de préservation.

Le musée dévoile les multiples facettes symboliques de l’eau, ces valeurs intrinsèques qui éclairent des enjeux majeurs. Avec plus de 500 symboles identifiés par Samoura, tels que la fertilité, le pardon, la régénération et la solidarité, le musée devient un outil pédagogique puissant.

Niché à Mitouli, à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou, le musée de l’eau se dresse fièrement le long de la route nationale 3. Selon son fondateur, chaque année, il accueille entre 800 et 1200 âmes curieuses et désireuses de plonger dans les mystères de cette ressource précieuse.

En ce 15 mai 2024, alors que le Burkina Faso célèbre la journée des coutumes et des traditions, des jeunes de la chorale de l’église protestante Assemblée de Dieu de Dagnoen ont choisi de marquer l’occasion en explorant ce temple du savoir aquatique.

Point d’honneur à la femme

D’entrée de jeu, Alassane Samoura, avec son allure de sage, invite ses hôtes à une journée dédiée à l’eau. L’exposition « Eau et femmes » nous accueille, soulignant le rôle vital de l’eau et de la femme, toutes deux essences de la vie. « Ici, nous célébrons l’eau matricielle, celle qui permet la procréation », explique-t-il, alors que les visiteurs s’émerveillent devant les canaris, symboles du quotidien et du sacré.  

Le musée transcende la simple exposition ; c’est un centre vivant d’apprentissage des pratiques d’hygiène. Les visiteurs, dans une atmosphère ludique, explorent l’espace « Eau, hygiène et assainissement », où ils s’affrontent en visant des cibles ludiques pour promouvoir l’usage des latrines.

La condition féminine, intimement liée à l’eau, est mise en exergue à travers les défis quotidiens pour accéder à cette ressource. L’espace « Les corvées et palabres de l’eau » illustre le périple des femmes en quête d’eau, une épreuve que Samoura fait vivre à ses visiteurs, résonnant au son des bidons : « 1 km à pied ça use, 2 km à pied, 3 km à pied, 4 km à pied, 5 km à pied, ça use les sandales » jusqu’au forage central du musée. Cette expérience immersive sensibilise aux enjeux de genre au cœur de la mission du musée.

Non à l’eau qui tue !

Dans la continuité de son engagement sociétal, le musée de l’eau présente « Lampedusa », une exposition poignante qui met en lumière la tragédie de la migration des jeunes Africains. Une pirogue, érigée sur un monticule, symbolise leur périlleuse traversée, tandis que des tombes fictives rappellent le sort tragique de ceux engloutis par les eaux, victimes des prédateurs aquatiques.

Alassane Samoura y voit un moyen de choquer les consciences. « Cette exposition vise à ébranler la jeunesse, convaincue que l’eldorado est ailleurs », insiste-t-il, exhortant les jeunes à devenir des ambassadeurs du message : « Non à la migration des jeunes Africains sur les côtes maritimes ».

Et ce n’est pas tout. Le musée compte à ce jour plus de 2600 objets, acquis par achat ou donation. Ces pièces muséales, allant des ustensiles aux pompes, témoignent de la relation intime entre l’homme et l’eau. Parmi elles, la pompe griot de 1932, un vestige de l’époque missionnaire catholique, qui est aujourd’hui immortalisée sur la pièce de 10 F CFA.

Par ailleurs, la mission du musée s’étend à la valorisation des savoirs endogènes liés à l’eau. Samoura s’attache à préserver et diffuser ces connaissances ancestrales, telles que la technique du bâton de sourcier, une pratique qui continue d’émerveiller les visiteurs. Noelle Forgo, touchée par cette exposition, considère le musée comme une école essentielle pour saisir les multiples dimensions de l’eau.

Son camarade, Manassé Zongo, partage cette vision. Il reconnaît que l’eau est source de vie mais peut aussi être destructrice. « Cette visite m’a fait réaliser qu’il n’est pas nécessaire de partir loin pour réussir sa vie », confie-t-il, faisant écho aux tragédies de la Méditerranée. Ces messages sont des mots qui galvanisent Alassane Samoura dans sa quête : partager son expertise sur l’eau, ressource précieuse et parfois rare au Burkina Faso.

Appel pour élever ce musée au rang mondial

Malgré sa détermination, il fait face à des défis de taille, notamment le financement du musée. « Nous luttons pour avoir du financement pour achever le projet. Nous comptons sur nos propres fonds, qui sont malheureusement insuffisants », regrette-t-il, conscient également de la menace des spéculateurs fonciers.

Déterminé, Samoura ne baisse pas les bras. « En tant que premier musée de l’eau en Afrique, nous devons garder le cap », déclare-t-il. Il lance un appel à la solidarité pour soutenir le musée, sollicitant des contributions en communication, en livres, en matériel et surtout en financement.

« Notre ambition ultime est de faire de ce musée le plus grand musée de l’eau au monde, de rassembler ici toutes les pièces muséales internationales et d’en faire un observatoire de l’eau dans la sous-région pour le plus grand bonheur des chercheurs », conclut-il avec espoir.

Dô DAO (Stag)

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