À N’Djamena, la capitale du Tchad, les problèmes d’hygiène et d’assainissement persistent malgré les efforts déployés par les autorités locales. Les infrastructures sanitaires sont souvent insuffisantes, ce qui entraîne des défis importants en matière de collecte des déchets, d’accès à l’eau potable et de traitement des eaux usées.
Ces lacunes contribuent à la propagation de maladies hydriques et infectieuses, affectant la santé et le bien-être des habitants de la ville. Il est crucial de continuer à investir dans l’amélioration des conditions d’hygiène et d’assainissement à N’Djamena pour garantir un environnement sain pour tous ses résidents.
Dans cette interview exclusive accordée à All For Sciences Media, Apelbo Blaise, hydrogéologue et gestionnaire des programmes d’eau et d’assainissement, expert en WASH, partage son expertise sur les défis actuels en matière d’hygiène et d’assainissement à N’Djamena.
Il souligne l’importance d’une approche participative et de solutions durables pour garantir un environnement sain pour tous les habitants de la ville. Découvrez les perspectives et les actions nécessaires pour un avenir plus sain à N’Djamena.
Faites-vous connaître brièvement à nos lecteurs
Je suis Apelbo Blaise, hydrogéologue et gestionnaire des programmes /projets d’eau et assainissement, spécialiste en WASH. Ayant une dizaine d’expériences dans la conception, mise en œuvre et gestion des projets /programmes d’eau et assainissement, j’ai travaillé au Tchad avec deux (2) grandes ONG internationales en tant qu’assistant et superviseur des programmes WASH chez Oxfam et coordinateur des urgences en WASH chez World Vision. Et depuis juin 2022, je suis expatrié avec les ONG dans d’autres pays d’Afrique.
Quels sont les principaux défis en matière d’hygiène et d’assainissement à N’Djamena ?
Les défis en matière d’hygiène et d’assainissement à N’Djamena sont multi-facettes. Tout d’abord, la gestion des déchets pose un sérieux problème dans certains quartiers, où la responsabilité de leur collecte, transport et élimination est souvent mal comprise. Il est crucial que chaque citoyen participe activement à cette gestion pour garantir un environnement sain pour tous.
De plus, l’absence d’un plan d’assainissement clair et accessible à tous à N’Djamena conduit à des pratiques non durables telles que le déversement des boues de vidange et des eaux usées dans les rues. Manquant souvent des moyens nécessaires, de nombreuses personnes ne peuvent se permettre la construction de latrines adéquates équipées de fosses modernes, ce qui aggrave la situation en termes de pollution de l’eau.
Il est crucial d’encourager la mise en place de latrines adéquates pour éviter la contamination des ressources en eau, surtout celles issues de forages privés non suivis techniquement.
En outre, les politiques nationales d’assainissement nécessitent une mise à jour, car la feuille de route actuelle pour un Tchad sans défécation à l’air libre d’ici 2030 se concentre principalement sur les zones rurales. Il est impératif d’élaborer une feuille de route spécifique pour N’Djamena, avec la participation active des autorités locales pour proposer des solutions durables en matière d’assainissement public. Des politiques claires et des actions concrètes sont nécessaires pour éduquer et inciter tous les habitants de N’Djamena à abandonner la défécation à l’air libre, afin de garantir un futur plus sain pour la ville.
Quelles initiatives ou programmes doivent être mis en œuvre pour améliorer l’hygiène et l’assainissement dans la ville ?
Pour améliorer l’hygiène et l’assainissement à N’Djamena, il est impératif de mettre en œuvre diverses initiatives et programmes. Voici quelques suggestions de mesures à prendre que je peux faire :
Il est important tout d’abord de mettre en place un programme d’éducation, d’information et de communication (IEC) axé sur l’hygiène et l’assainissement, afin de sensibiliser la population aux bonnes pratiques à adopter.
Il est également nécessaire de développer des programmes d’assainissement en construisant des latrines publiques et en promouvant leur utilisation et leur maintenance adéquate pour garantir des conditions sanitaires optimales.
Une autre suggestion est d’initier un projet impliquant les groupements d’intérêt économique spécialisés dans la collecte des déchets ménagers, en les mettant en réseau avec les services de voirie de la municipalité. Il serait également pertinent de considérer l’implication des groupements féminins dans la transformation des déchets en compost, pouvant être utilisé dans les activités maraîchères locales.
Ces actions combinées pourraient contribuer significativement à l’amélioration des conditions d’hygiène et d’assainissement de la ville, pour un environnement plus sain et durable pour tous les habitants de la ville.
Quels sont les obstacles les plus importants pouvant compromettre la mise en œuvre de ces programmes ?
Les obstacles majeurs dans l’amélioration de l’hygiène et de l’assainissement sont souvent liés aux questions de changement de comportement. Les résultats peuvent prendre du temps à se manifester, car modifier les comportements existants n’est pas une tâche simple.
Il est fréquent de constater des infrastructures correctement mises en place mais sous-utilisées, que ce soit des bacs à ordures ou des latrines et caniveaux bien construits, en raison de l’absence d’appropriation par les populations. De plus, certaines communautés ne perçoivent pas l’importance d’abandonner la défécation à l’air libre, et l’action de jeter les ordures ménagères dans les rues en pleine ville, ce qui constitue un défi supplémentaire.
Pour ce faire, l’appropriation des projets par les autorités locales et les communautés est également essentielle pour garantir leur succès à long terme. Il est crucial de promouvoir la participation active des parties prenantes et de créer des mécanismes de suivi et d’évaluation pour assurer la durabilité des initiatives mises en place.
Il est donc primordial d’adopter une approche holistique et inclusive, en travaillant non seulement sur les aspects techniques des infrastructures, mais aussi sur l’éducation, la sensibilisation et la participation communautaire pour surmonter ces obstacles et favoriser un réel changement positif en matière d’hygiène et d’assainissement.
En tant que spécialiste en WASH, Comment impliquez-vous les autorités locales et les communautés dans vos efforts pour améliorer l’hygiène et l’assainissement ?
L’implication des autorités locales et des communautés est cruciale dès le début de nos projets. Nous organisons des consultations approfondies pour recueillir leurs avis et suggestions sur les approches et les méthodologies à adopter. Cette étape permet de s’assurer que les interventions proposées sont en adéquation avec les besoins et les priorités locales.
Par exemple, lors de la conception de nouveaux projets d’assainissement, nous tenons compte des pratiques culturelles et des préférences des communautés pour garantir une adoption maximale.
Les autorités locales et les membres des communautés ne sont pas seulement consultés, ils participent activement à la mise en œuvre des projets. Cela inclut la formation de comités locaux de gestion de l’eau et l’assainissement, la mobilisation communautaire pour les campagnes de nettoyage, et l’organisation d’ateliers de formation sur les meilleures pratiques en matière d’hygiène.
Lors de la distribution des kits d’assainissement, comme ceux donnés à la mairie du 4ème arrondissement de N’Djamena par OXFAM Tchad, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les autorités municipales pour coordonner et superviser la distribution.
L’évaluation des résultats et le suivi des projets sont effectués en collaboration avec les communautés. Nous élaborons des diagnostics et des plans d’action communautaires pour s’assurer que les solutions proposées répondent efficacement aux besoins locaux.
Cette approche participative permet non seulement de mesurer l’impact des interventions, mais aussi d’ajuster les stratégies en temps réel pour améliorer leur efficacité. Les retours des communautés sont essentiels pour identifier les succès et les domaines nécessitant des améliorations.
Nous investissons dans le renforcement des capacités des autorités locales et des membres des communautés à travers des formations et des ateliers. Cela inclut la gestion des infrastructures d’eau et d’assainissement, la sensibilisation aux pratiques d’hygiène et la maintenance des équipements. En favorisant l’appropriation locale, nous assurons la durabilité des initiatives.
Par exemple, la mise en place de systèmes de gestion des déchets solides implique la formation des communautés à l’utilisation et à l’entretien des bacs à ordures et autres équipements.
Pour garantir un changement de comportement durable, nous intégrons des programmes éducatifs et des campagnes de sensibilisation dans nos projets. Ces initiatives visent à informer et à éduquer les communautés sur l’importance de l’hygiène et de l’assainissement, en mettant l’accent sur les bénéfices à long terme pour la santé publique.
Les campagnes sont souvent soutenues par des matériels de communication adaptés aux contextes locaux, tels que des affiches, des brochures et des sessions d’information en personne.
Comment mesurez-vous l’impact et l’efficacité de vos interventions en matière d’hygiène et d’assainissement ?
Pour mesurer l’impact et l’efficacité de nos interventions en matière d’hygiène et d’assainissement, nous mettons en place un solide système de suivi et d’évaluation. Au début de chaque projet, nous réalisons une enquête CAP (Connaissance, Attitude et Pratique) pour évaluer le niveau de connaissances et les comportements actuels.
Cette même enquête est ensuite répétée à la fin du projet pour comparer les indicateurs mesurés au début avec les résultats obtenus. De plus, nous évaluons les plans d’actions communautaires pour vérifier si les problèmes identifiés lors des diagnostics communautaires ont été résolus.
Ces démarches permettent de mesurer précisément l’évolution des comportements et l’impact réel de nos actions sur l’hygiène et l’assainissement.
Quelles sont vos perspectives pour un avenir plus sain en ce qui concerne l’hygiène et l’assainissement à N’Djamena, et quelles actions sont nécessaires pour les concrétiser ?
Pour un avenir plus sain à N’Djamena, il est important de développer une stratégie et une politique d’assainissement urbain adaptées aux besoins spécifiques de la ville.
Cette stratégie doit inclure des solutions innovantes et durables pour gérer les déchets et les eaux usées, tout en prenant en compte les réalités locales. La création de plans d’action concrets et réalisables permettra de structurer et de guider les initiatives en matière d’assainissement.
Il faut mettre en œuvre de campagnes de sensibilisation régulières est essentielle pour informer et éduquer la population sur les bonnes pratiques d’hygiène et d’assainissement. Ces campagnes doivent insister sur l’importance du changement de comportement pour améliorer la santé publique.
Utiliser divers canaux de communication, comme les médias sociaux, les radios locales et les sessions éducatives en personne, peut maximiser l’impact de ces messages.
L’implication active des groupements d’intérêt économique dans la gestion des déchets est cruciale. Dans ce sens, il serait utile de mettre en place un système de collecte décentralisé au niveau des arrondissements, quartiers et carrés permettra d’améliorer l’efficacité de la gestion des déchets. Ces groupements peuvent jouer un rôle clé en sensibilisant les résidents et en organisant des initiatives locales de nettoyage.
Pour garantir une application efficace des politiques et des réglementations en matière d’hygiène et d’assainissement, il est nécessaire de renforcer les capacités des équipes chargées de ces contrôles. Cela peut inclure des formations régulières, la mise à disposition de ressources adéquates et le développement de partenariats avec des organisations spécialisées pour partager les meilleures pratiques.
En prenant ces mesures et en mobilisant l’ensemble des acteurs concernés, il est possible d’envisager un avenir plus sain pour N’Djamena en termes d’hygiène et d’assainissement.
Cela nécessite une collaboration étroite entre les autorités locales, les communautés, les entreprises et les organisations non gouvernementales. En travaillant ensemble, nous pouvons créer un environnement plus propre et plus sain pour tous les habitants de N’Djamena.
Propos receuillis Zara Hassan ( Stag)