Le maraîchage constitue l’un des systèmes agricoles les plus productifs d’Afrique (FAO, 2012). Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, plus de 190 000 ha sont dédiés au maraîchage. Un rapport récent (FAO 2022) indique que, 256 134 t et 332 402 t de produits maraîchers auraient été produites respectivement en 2012 et 2019 en Côte d’Ivoire.
Ce type d’agriculture apparaît aujourd’hui comme l’une des composantes principales de l’agriculture urbaine et périurbaine ayant une importance capitale dans le développement économique des villes.
Considérées comme une activité de souveraineté alimentaire (FAO, 2012), les cultures maraîchères jouent un rôle primordial dans la plupart des programmes de nutrition, de lutte contre la pauvreté et contribuent significativement aux revenus des familles.
Bien que le niveau de l’utilisation des pesticides dans l’agriculture africaine demeure faible par rapport à d’autres régions du monde, il est cependant évident que celle-ci est en nette progression dans les cultures maraîchères.
Comment continuer à cultiver en respectant l’environnement, en protégeant le sol et surtout la biodiversité ? C’est ce à quoi répondent ici certains acteurs du secteur, les producteurs d’engrais naturels ou composts, les agriculteurs qui sont les plus concernés par cette méthode et aussi les responsables du programme d’incubation 2SCALE.
Le programme d’incubation 2SCALE à travers ses multiples missions dans la sous-région, en Afrique, travaille en collaboration avec le secteur privé local pour développer des réseaux agroalimentaires durables.
Grâce à la collaboration dans le cadre de ces partenariats public-privé des formations, des conseils techniques sont fournis, afin d’aider les producteurs et les autres petites et moyennes entreprises locales à devenir plus compétitifs et capables de répondre rapidement aux nouvelles opportunités.
2SCALE a introduit dans ses programmes des pratiques agricoles plus durables à travers ces partenariats. Les principales approches en la matière sont la gestion intégrée de la fertilité des sols (GIFS) et la lutte intégrée contre les parasites.
Les solutions vertes font partie des innovations qu’il apporte aux agriculteurs pour plus d’efficacité et de rentabilité dans la production.
L’engrais vert, une nécessité.
Les engrais verts sont aujourd’hui une solution incontournable pour espérer produire des aliments sains qui garantissent la sécurité alimentaire et la santé des populations.
Ils sont le plus souvent produits à partir des déchets végétaux ou animaux. Wendwaoga Claude Arsène Sawadogo producteur d’engrais naturel et Conseiller partenaire pour le programme 2SCALE explique que la « méthode de compostage consiste à mélanger et faire fermenter dans un processus divers matériaux notamment de la déjection animale, des matières végétales et du phosphate naturel, durant 2 à 3 semaines pour obtenir un produit sain et naturel auquel on rajoute des micro-organiques notamment des champignons pour permettre d’accroître la qualité et la fertilité et pour un rôle protecteur pour les plantes »
Wendwaoga Claude Arsène Sawadogo,
Producteur d’engrais naturel et Conseiller partenaire pour le programme 2SCALE
Le programme 2SCALE qui encourage l’utilisation des engrais organiques travaille en partenariat avec les producteurs des fertilisants verts qui s’activent sur le terrain dans la sensibilisation de l’utilisation de ce traitement pour un meilleur rendement agricole.
« Le compost que nous proposons aux agriculteurs est un hydrorétenteur c’est-à-dire qu’il permet de réduire l’impact d’acidité en cas de sécheresse afin que les plantes souffrent moins. Les travaux que nous avons réalisés permettent aux plantes de résister jusqu’à 10 jours sans eau. Ce fertilisant naturel va ensuite entretenir la vie du sol, et le nourrir. Le sol se charge de nourrir à son tour la plante. Il maintiendra la biologie du sol et la microbiologie de celui-ci.
Ce compost également riche en micro-organismes va booster le système de défense naturelle des plantes pour un système immunitaire beaucoup plus résistant. Le fait que l’on rajoute du Trichoderma dans ces composts permet de protéger la plante contre les champignons du sol et pour les cultures maraîchères contre les nématodes. », nous clarifier Wendwaoga Claude Arsène Sawadogo.
Comme tous les autres types de producteurs, les maraîchers ont recours aux pesticides pour maîtriser les organismes nuisibles aux cultures ou pour pallier le manque de main d’œuvre.
Etienne Kouadio est maraîcher en zone urbaine à Abidjan. Après avoir fait plusieurs expériences avec les mélanges chimiques pour sa culture de choux et de salades, il a finalement opté pour l’engrais vert qui selon lui est plus facile à obtenir, et à utiliser, ainsi que pour un rendement plus efficace.
« Aujourd’hui après des renseignements et des séances de formations que nous avons faits avec des programmes au niveau du ministère de l’Agriculture et avec des ONG, je peux fabriquer moi-même mon compost et quand il y a des moyens, j’achète de l’engrais organique. », souligne-t-il.
En Côte d’Ivoire, la demande pour des produits maraîchers frais est en hausse. Cette forte demande est satisfaite en partie par la production maraîchère locale dans les zones périurbaines de la capitale Abidjan. Comment s’assurer donc que ces produits sont cultivés avec des pratiques raisonnées, c’est-à-dire en gardant la santé du sol, en protégeant l’environnement tout en limitant les risques pour la santé humaine ?
IIya Moumouni Ouedraogo, producteur d’engrais organique et partenaire du programme 2SCALE, pense que « l’utilisation des pesticides chimiques non homologués et la mauvaise gestion des emballages des producteurs ces pratiques ont d’énormes dégâts sur la santé humaine et animale, la pollution de la nature, et la dégradation des sols. Pour remédier à cela, poursuit-il, nous en tant que producteurs d’engrais naturels, proposons des solutions vertes. Cet engrais est fait à base de fientes de poulet, de lisier de bovin et d’engrais liquide.
Il contient des micronutriments, des substances organiques, des acides humiques, et rend les plantes saines, résistantes aux parasites et aux maladies. Ce produit écologique constitue une réponse simple au problème alimentaire mondial, car il permet d’avoir des produits de haute qualité et d’augmenter les rendements tout en conservant la fertilité du sol et en préservant l’environnement. »
Il faut noter quela volonté de couvrir les besoins alimentaires des grandes zones urbaines en Côte d’Ivoire pousse les maraîchers à utiliser davantage de produits phytosanitaires. Plusieurs de ces producteurs dénoncent le manque d’informations et de formation sur les pesticides et leur utilisation, ce qui peut avoir un impact sur leur santé.
Au niveau de l’environnement, la forte utilisation des produits chimiques peut engendrer une pollution des eaux, de l’air et même affecter la santé des animaux, d’où le travail d’éducation sur le terrain à travers plusieurs ateliers de formations que le programme 2SCALE offre aux petits agriculteurs.
- « Le travail sur le terrain est d’organiser les acteurs autour de la chaîne de valeurs. Nous mettons les produits à la disposition des agriculteurs qui les utilisent. Il y a des pôles d’entreprises agricoles qui ont été mis en place, dans ces pôles d’entreprises on retrouve des distributeurs d’intrants notamment le compost qu’ils redonnent aux producteurs.
- Une fois la production faite, des agrégateurs rachètent le compost et nous le fournissent. Nous leur vendons le produit final à crédit, l’agriculteur paye 50%, et à la récolte, nous rachetons celle-ci et on en déduit le reste.
- En Côte d’Ivoire nous avons également mis en place des champs-écoles pour montrer l’efficacité de cette fumure bio. Pour finir, des campagnes de formations et des capsules vidéo pour montrer l’évolution et la qualité des semences avec l’utilisation de nos engrais organiques sont réalisées », précise encore IIya Moumouni Ouedraogo.
La santé du sol un défi pour le programme 2SCALE
La majorité des pesticides utilisés, acquis auprès de revendeurs non agréés, n’est pas recommandée pour les cultures maraîchères. De ce fait, plusieurs producteurs de légumes mènent leur activité et les utilisent sans tenir compte de la préservation de l’environnement, de leur santé et de celle des consommateurs.
Idrissa Sangaré, conseiller en Agribusiness Inclusif & Spécialiste AIC pour le programme 2SCALE. Il nous révèle ici que la plupart des agriculteurs dans la sous-région utilisent encore les produits chimiques pour leurs cultures. Pour lui, « presque toutes les cultures maraîchères reçoivent des engrais chimiques. La tomate, le chou, le concombre, les aubergines, etc. Il y a néanmoins des sites maraîchers avec l’accompagnement des programmes 2SCALE et bien d’autres programmes, où les producteurs ont amélioré considérablement leurs pratiques.
Certains raisonnent l’apport des engrais chimiques, d’autres vont plus loin en pratiquant l’agriculture biologique, c’est-à-dire sans engrais ni pesticide de synthèse. »
Il ajoute qu’ « En tant que conseiller Agribusiness inclusif et spécialiste des innovations vertes pour les pays francophones en Afrique de l’Ouest, nous n’imposons pas l’utilisation des engrais chimiques aux producteurs ou aux productrices.
Nous développons plutôt une approche responsable basée sur la sensibilisation des producteurs sur la santé du sol qui est en fait notre support de production de nourriture.
Ce support doit être protégé et entretenu tout en l’exploitant pour produire des denrées alimentaires. Nous sensibilisons les producteurs sur les produits néfastes et abusifs des engrais chimiques, sur le sol et la vie microbienne qui s’y trouve. »
Des exemples pratiques et des témoignages sont parfois utilisés par ce programme pour montrer aux agriculteurs les causes réelles de la dégradation des sols et la baisse des rendements par la suite. Dans le contexte ouest-africain actuel qui est caractérisé par l’agriculture familiale quasi générale, il serait mitigé de parler de production végétale sans engrais chimique.
Cependant, il convient d’adopter des pratiques raisonnées, c’est-à-dire apporter juste ce dont la plante a besoin d’où l’entrée en scène de l’agro-écologie ou encore l’agriculture raisonnée qui reste un défi à relever sur le terrain pour le programme 2SCALE.
« À travers le programme 2Scale, nous conseillons aux petits producteurs d’utiliser beaucoup plus le compost dans leur parcelle de production. Nous formons les producteurs sur différentes techniques de production de compost afin de réduire les coûts et les rendre accessibles aux femmes et aux jeunes.
Nous les formons aussi sur les meilleures techniques d’utilisation de ces composts dans leur champ. En plus des formations, nous facilitons aussi le rapprochement entre les entreprises de production et de commercialisation d’engrais organiques et les producteurs dans l’optique de permettre l’accès du compost et de la matière organique aux producteurs et productrices qui n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour en produire », conclut . Sangaré.
En ce qui concerne les coûts, l’engrais chimique revient plus cher à l’agriculteur que l’engrais vert. Certains maraîchers, pour justifier l’utilisation de ces pesticides nocifs pour l’organisme et aux plantes, disent que ceux-ci réagissent vite dans la croissance de la culture par rapport à la fumure bio qui, elle, est lente dans l’évolution.
Néanmoins, pour le Conseiller du programme 2Scale, la transition est en train d’être faite. C’est-à-dire que le passage des légumes conventionnels aux légumes écologiques est possible sur la table des consommateurs, mais cela prendra du temps, de l’investissement, et nécessitera des politiques agricoles encore plus fortes.
Un compost de très bonne qualité agronomique, capable d’accroître la productionagricole est un pari pour les producteurs d’engrais organique et un avantage pour la souveraineté et la sécurité alimentaire, parce qu’il faut le dire, c’est le sol qui est la véritable source de production.
L’objectif final ici étant la minimisation ou même l’abandon de l’utilisation des produits chimiques d’ici quelques années pour les produits maraîchers qui sont aujourd’hui les plus consommés.
Edithe Valérie NGUEKAM