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Kafayath FABIYI, une scientifique béninoise en première ligne contre la résistance aux antibiotiques en Afrique

La doctorante Kafayath Ariounkè FABIYI a été sélectionnée parmi les trente jeunes talents du Programme l’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science 2023. Actuellement à l’Ecole Doctorale Science de la Vie et de la Terre de l’Université d’Abomey-Calavi, elle est une figure éminente dans le domaine de la microbiologie au Bénin.

Ses travaux de recherche portent sur la surveillance de la résistance aux antibiotiques, le contrôle biologique des bactéries multirésistantes par les phages, et le développement de nouveaux antibiotiques par la valorisation des plantes médicinales.

Technicienne à l’Unité de Recherche en Microbiologie Appliquée et Pharmacologie des substances naturelles (URMAPha) de l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC), Kafayath FABIYI mène ses travaux de recherche sur la surveillance de la résistance aux antibiotiques, le contrôle biologique des bactéries multirésistantes par les phages, et le développement de nouveaux antibiotiques par la valorisation des plantes médicinales.

Elle mène actuellement des travaux de recherche sur la diversité génomique de bactéries multirésistantes isolées dans l’écosystème du lac Nokoué au Bénin à l’Université d’Abomey-Calavi, Benin. Passionnée de recherche, elle aspire à une Afrique sans bactéries résistantes aux antimicrobiens.

All For Sciences Média : Qu’est-ce qui vous a motivé à poursuivre une carrière en microbiologie et en particulier dans la recherche sur la résistance aux antibiotiques ?

Kafayath FABIYI : J’ai choisi la microbiologie, car je rêve d’apporter ma contribution à l’amélioration de la prise en charge des maladies infectieuses dans mon pays. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours aspiré à devenir médecin pour sauver des vies.

La résistance aux antimicrobiens constitue un problème de santé mondial dont les pays d’Afrique subsaharienne souffrent le plus. Selon l’OMS, si rien n’est fait d’ici 2050, le nombre de décès associés à la résistance aux antimicrobiens serait multiplié par 10.

C’est pourquoi je m’intéresse à proposer une alternative à travers la phagothérapie afin de mieux contrôler et traiter les infections bactériennes multirésistantes.

Quels sont les principaux objectifs de votre travail actuel ?

Dans un premier temps, mon étude vise à déterminer les caractéristiques phénotypiques et génotypiques des bactéries multirésistantes isolées dans plusieurs matrices de l’écosystème du lac Nokoué puis en second lieu d’expliquer le flux de gènes de résistance entre l’environnement, les animaux, les produits de la pêche et les travailleurs dans l’écosystème du lac Nokoué et enfin finir par le développement des cocktails de bactériophages efficaces contre les bactéries multirésistantes responsables d’infections émergentes.

Quelles méthodes et approches utilisez-vous pour détecter les gènes de résistance et étudier les bactéries multirésistantes ?


Grâce au plateau techenique dont dispose mon Unité de Recherche (URMAPha), pour étudier les bactéries multirésistantes et détecter les gènes de résistance, j’utilise les méthodes de microbiologie standard, de biologie moléculaire (la PCR et le séquençage) et de bio-informatique (analyse de mes données).

Quels défis et opportunités identifiez-vous dans le domaine de la recherche sur la résistance aux antibiotiques et les bactéries multirésistantes ?

La recherche sur les bactéries multirésistantes aux antibiotiques présente à la fois des défis cruciaux et des opportunités prometteuses. 

Les bactéries ont la capacité d’évoluer rapidement, développant des mécanismes de résistance aux antibiotiques usuels. Ce qui rend le traitement des infections bactériennes de plus en plus difficile. L’utilisation excessive ou inappropriée des antibiotiques en médecine humaine et animale contribue à accélérer le développement de la résistance dans le monde.

Ainsi, il y a un besoin urgent de nouveaux antibiotiques ou de thérapies alternatives pour lutter contre les souches multirésistantes. Cependant, le développement de nouveaux médicaments est un processus long et coûteux, et il y a peu de molécules prometteuses en développement. 

La recherche sur les alternatives aux antibiotiques, telles que les thérapies phagiques, les peptides antimicrobiens, les nanostructures, ou encore la modification génétique des bactéries pour réduire leur résistance, offre des pistes de traitement potentielles.

De plus, les avancées technologiques, comme la génomique, la métagénomique et la biologie synthétique, offrent des outils puissants pour comprendre les mécanismes de résistance et identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. 

Comment voyez-vous l’avenir de la recherche sur la résistance aux antibiotiques en Afrique et quel rôle pensez-vous jouer dans ce domaine ?

L’avenir de la recherche sur la résistance aux antibiotiques en Afrique comporte de nombreux défis. En effet, plusieurs pays africains rencontrent des difficultés financières et logistiques pour mener des recherches approfondies sur la résistance aux antibiotiques.

L’accès à des technologies de pointe pour la recherche, comme le séquençage génomique, n’est pas à la portée de tous les pays, ce qui entrave parfois la réalisation d’études approfondies.

Je pense que grâce à mes résultats de recherche, je pourrai mettre à la disposition des chercheurs de ma communauté des cocktails de phages efficaces contre les bactéries multirésistantes responsables d’infections humaines et animales.

Comment conciliez-vous votre carrière scientifique avec votre rôle de mère ?

Au début, j’avais beaucoup de difficultés ; étant jeune maman et ayant mes travaux de master en cours, c’était très difficile. Il m’arrivait de penser à abandonner mes travaux pour le temps que mon bébé grandisse. Heureusement, avec le soutien de mon mari, de mes proches et surtout de mon superviseur, j’ai pu gérer les deux.

Ce n’est pas facile d’être une mère scientifique, mais ce n’est pas impossible. Trouver un équilibre entre la carrière scientifique et la parentalité demande de la flexibilité, de la planification et du soutien.

Quels sont vos projets futurs en termes de recherche et de développement scientifique ?

Mon prochain projet de recherche consiste à obtenir davantage de financement afin de poursuivre mes recherches sur les phages dans mon pays et en Afrique. Il s’agit de caractériser tous les phages isolés et de les classifier par famille en vue d’une utilisation future.

J’aspire également à partager mon expertise en enseignant et en encadrant la prochaine génération de jeunes scientifiques, en mettant l’accent sur l’encouragement des jeunes filles à poursuivre une carrière scientifique.

Kafayath FABIYI, chercheure scientifique

Je suis convaincue que la promotion de la diversité dans les domaines scientifiques, en particulier l’inclusion des femmes, stimulera le développement de solutions innovantes aux défis scientifiques et sociaux auxquels est confronté le continent africain, et le monde en général.

Je suis convaincue que la promotion de la diversité dans les domaines scientifiques, en particulier l’inclusion des femmes, stimulera le développement de solutions innovantes aux défis scientifiques et sociaux auxquels est confronté le continent africain, et le monde en général.

Kafayath FABIYI, chercheure scientifique

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent poursuivre une carrière en sciences ?

Pour les jeunes femmes aspirant à une carrière en sciences, je vous conseille :

  • D’identifier les domaines scientifiques qui vous intéressent le plus, de trouver des femmes scientifiques comme modèles, et de définir vos objectifs de carrière. 
  • Recherchez également des mentors qui vous encouragent et vous motivent tout au long de votre parcours. Investissez dans votre éducation et continuez à apprendre tout au long de votre carrière. Soyez ouvertes à de nouvelles idées et aux critiques constructives. 
  • Ayez confiance en vos capacités et en votre potentiel. Évitez de vous sous-estimer, soyez persévérantes et ne renoncez jamais à une idée en laquelle vous croyez, quel que soit les obstacles. 
  • Recherchez un équilibre entre votre carrière et votre vie personnelle, même si ce n’est pas toujours facile, et surtout, prenez soin de votre bien-être mental, physique et émotionnel.
Kafayath FABIYI,chercheure scientifique

Comment voyez-vous l’avenir de la recherche scientifique en Afrique et quelles sont les mesures que vous pensez que les gouvernements et les institutions devraient prendre pour encourager la recherche et l’innovation dans la région ?

L’avenir de la recherche scientifique en Afrique est plein de potentiel, mais il existe également des défis à relever pour favoriser son développement et son expansion. 

Pour encourager la recherche en Afrique, les gouvernements et les institutions peuvent allouer davantage de ressources financières aux programmes de recherche et d’innovation pour soutenir les scientifiques et les projets novateurs ; construire et moderniser les laboratoires, les institutions de recherche et les centres de formations pour offrir des environnements propices à la recherche de pointe.

Développer des programmes de formation avancée pour les jeunes chercheurs, y compris des bourses, des stages et des programmes de mentorat. Faciliter l’accès des chercheurs à des technologies de pointe, y compris les outils numériques et les plateformes de recherche avancées.

Kafayath FABIYI, qu’avez-vous à dire pour conclure ?

Je remercie sincèrement mon superviseur et mentor, le Dr DOUGNON T. Victorien pour son accompagnement et ses précieux conseils au quotidien. Je souhaite également exprimer ma gratitude envers ma famille scientifique (chaque membre de l’Unité de Recherche en Microbiologie Appliquée et Pharmacologie des substances naturelles) pour leur collaboration sans faille et leur esprit d’équipe. Je voudrais terminer en vous remerciant pour le temps que vous m’accordez au sein de votre plate forme de vulgarisation très utile pour nous acteurs de la science.

Propos recueillis par Joachelle Gounou Yerima

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