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Innovation agricole au Sénégal : la découverte de nouvelles variétés de blé prometteuses

La culture du blé est désormais possible dans les conditions agro-climatiques de la vallée du fleuve Sénégal. C’est ce qu’ont annoncé les chercheurs scientifiques de l’institut sénégalais de recherche agricole (ISRA). Ils ont élaboré et homologué huit différentes variétés de blés durs et tendres, qui sont résistantes à la température au Sénégal. 

Leurs ambitions, est de mettre au point des variétés de blé adaptées à toutes les conditions agro climatiques du pays. Aussi, souhaitent-ils développer des technologies agronomiques qui permettent à ces variétés d’ exprimer toutes leurs potentialités et de transférer ces technologies aux agents de vulgarisation.

Selon le professeur Saliou Ndiaye, enseignant-chercheur à l’école nationale supérieure d’agriculture (ENSA), « il y a eu des avancées sur la question de la culture du blé dans les rives du fleuve Sénégal». Les travaux de recherche en thèse sur ces questions montrent bien la possibilité de cultiver du blé dur servant à  la fabrication des semences et des pâtes. Cependant, précise ce chercheur agronome, « avec des rendements relativement faibles, soit 1 à 2 tonnes par hectare. »

Variétés de blé homologué

L’institut sénégalais de recherche agricole, a mis au point et homologué 4 variétés de blé tendre et 4 variétés de blé dur. « Les  variétés de blé tendre telles que Hamat, Alioune Pendao et Dire 15 sont d’origine égyptienne et malienne», rapporte le Dr Amadou Tidiane Sall,  chargé de recherche et sélectionneur blé à l’institut sénégalais  de recherche agricole (ISRA)

A l’en croire, elles ont été introduites au Sénégal dans les années 2010. Alors que les variétés de blé dur, telles que Haby, Amina et Dioufissa sont de la lignée de sélection du centre international de recherche agricole dans les zones arides, (ICARDA). 

Selon ce chercheur, elles ont été introduites et testées dans les conditions agro-climatiques de la vallée du fleuve Sénégal. Ceci, précise-t-il, « en comparaison avec une variété égyptienne  du nom de  Fanaye bien adaptée dans la vallée ».

Pour le spécialiste en biotechnologies végétales microbiennes et amélioration des plantes, Dr Amadou Sall, des centaines de variétés améliorées et traditionnelles ainsi que des lignées de sélection ont été introduites. Ensuite, testées dans deux stations expérimentales  de la vallée à Fanaye au Sénégal et à Kaedi en  Mauritanie. 

Selon ses explications, c’est après plusieurs saisons de criblage et d’évaluation de rendement que les 8 variétés ont été sélectionnées.  « Ces variétés ont été testées en milieux paysans, pour leur qualité meunière et boulangère mais aussi caractéristiques pour le DHS », a -t-il confié.

Autosuffisance en blé 

Le ministère de l’agriculture, de l’équipement rural et de la souveraineté alimentaire du Sénégal, (MAERSA) a mis en place un programme pilote de production de blé. C’est à ce titre que l’institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) a initié un programme de production de semences de prébase de cette céréale. 

Selon le Dr Amadou Tidiane Sall, ce projet intervient justement dans le cadre du renforcement de capacités pour faire face aux changements climatiques en créant des variétés de blé qui s’adaptent à la chaleur. 

L’ISRA rapporte que la consommation annuelle de blé par habitant est passée de 27 kg en 2002 à 42 kg en 2020, soit 56% en l’espace de 18 années. Ce qui montre, selon cette même source,  l’évolution croissante de la démographie, de l’urbanisation et des habitudes alimentaires, en faveur des produits du blé, augmentant ainsi les importations. 

D’ailleurs, le Sénégal dépend entièrement des importations pour satisfaire ses besoins en consommation de blé estimés à un peu plus de 180 000 tonnes par an pour une valeur 110,4 milliards de FCFA) en 2020, rapporte t-on dans un article publié sur le site de l’Isra.

Dans ce contexte de dépendance des pays d’Afrique et par ricochet du Sénégal au blé importé, le président de l’association des consommateurs du Sénégal pense qu’il s’agit d’une prouesse significative pour le pays. « Nous accueillons cette nouvelle avec beaucoup d’espoir et de joie parce que nous dépendons beaucoup  de la consommation du blé qui est importé». 

Donc, « si nous arrivons à produire un blé résistant à la température en territoire sénégalais, argument-il, cela va nous permettre de pouvoir relever le défis  de la souveraineté alimentaire par rapport au blé », affirme Momar Ndao, le président de l’association des consommateurs du Sénégal.

Pour le professeur Saliou Ndiaye, c’est en cela que réside tout l’intérêt pour le Sénégal, pays d’Afrique de l’Ouest de se positionner pour la culture du blé. « Le premier intérêt est de porter les projections pour arriver à la sécurité alimentaire sur diverses autres céréales dont celle pour laquelle nous sommes totalement dépendants de son importation, qui est le blé », dit-il. 

Dans cette même perspective, Momar Ndao pense que l’avantage par rapport à la production du blé,  « c’est d’abord, de développer une production qui va être rentable,». Ensuite, « de proposer aux consommateurs des produits à des prix accessibles ».

 Il ajoute que « c’est extrêmement important pour améliorer la balance de nos paiements en matière de fuite de devise lié à l’importation du blé  ».

S’appuyant sur le contexte agro écologique du Sénégal, le chercheur en agronomie de l’école nationale supérieure d’agriculture (ENSA) analyse en disant que « le pays  a plus d’avantage comparatif sur d’autres cultures comme le maïs dont nous sommes encore dépendant à plus 50 %». A cause dit-il « de son incorporation dans les aliments de bétail et de volaille». 

Du côté de l’ISRA, le chargé de recherche et sélectionneur blé pose trois conditions pour arriver à l’indépendance en matière blé au Sénégal.  Pour être autosuffisant, confie le spécialiste, « il faut d’abord chercher à être indépendant par rapport aux semences». 

Ensuite,« produire suffisamment de semences certifiées, former les producteurs aux bonnes pratiques culturales, équiper et subventionner les intrants». Inciter enfin, «les meilleurs producteurs en les mettant en rapport avec les meuniers pour l’achat de la production », a-t-il conseillé.

Espérer au moins une décennie 

Abdoulahi Ndour est un citoyen sénégalais rencontré dans la ville de Dakar, la capitale du Sénégal. Il raconte qu’il n’a pas de doute sur l’importance de la production de cette céréale sur le sol sénégalais. Mais, « quand est-ce que ces variétés de blé vont être exploitées? » est-ce qu’on aura le temps d’exploitation nécessaire ? s’interroge-t-il.

Le professeur Saliou Ndiaye pour sa part, soutient qu’effectivement, ce céréale est une nouvelle niche de production à exploiter.  Mais en étant raisonnable dans les résultats à atteindre sur la souveraineté alimentaire. 

En réalité, poursuit-il,  «les échéances de voir les impacts sont parfois sur 10 à 25 ans, pour espérer voir des résultats probants ». Pour lui, le cas du riz où l’on a commencé juste à voir un bout du tunnel peut être cité à titre d’exemple.

A l’heure actuelle, l’équipe de recherche de l’ISRA n’ est plus à l’étape de d’expérimentation mais plutôt de vulgarisation à grande échelle. Selon les confidences du Dr Amadou Tidiane Sall, « l’ Etat compte dès Novembre 2023 (ndlr:2023) emblaver 1000 ha et il y a plusieurs autres initiatives privées pour le développement de la culture » au Sénégal.

Kuessi Giraud

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