Né en Côte d’Ivoire, M. Tidiane OUATTARA est un scientifique spatial ivoirien. Entre 2005 et 2006, il travaille à l’Agence spatiale canadienne en tant que Conseiller. En 2016, il rejoint la Commission de l’Union africaine (UA) en tant qu’Expert spatial.
Il est le Coordinateur du Programme spatial africain, responsable de la mise en œuvre de la politique et de la stratégie spatiales africaines ainsi que la création et l’opérationnalisation de l’Agence spatiale africaine. En 2024 il devient le premier Président du Conseil spatial africain, qui supervise la nouvelle Agence spatiale africaine.
Rencontré lors de la 1ère édition du Salon de l’Intelligence Artificielle, de la Défense et de l’Espace (SIADE), qui s’est tenu du 20 au 21 février 2025 au Parc des Expositions d’Abidjan (Côte d’Ivoire-Afrique de l’Ouest), nous avons voulu connaître les missions d’une Agence spatiale et les enjeux de ce Salon de l’Intelligence Artificielle pour le continent africain.
Pouvez-vous nous dire quelle est le rôle d’une Agence Spatiale ?
Le rôle d’une Agence Spatiale dans le monde entier, c’est de construire des Infrastructures spatiales, que cela soit au sol, donc on parle des stations de réception de données, etc ; des mesures, des capteurs ; que cela soit dans l’espace, on parle plus communément de satellites. Il y a les drones aussi, il y a les ballons.
Donc l’Agence Spatial construit des infrastructures spatiales pour pouvoir acquérir des données et les transmettre soit de façon brute, soit de façon déjà traitée et les agences spatiales aussi, encouragent la recherche et le développement sur des enjeux bien précis.
Dr Tidiane OUATTARA, président du conseil spatial africain
Donc une agence spatiale, c’est comme la gouvernance des activités scientifiques, technologiques et même législatives réglementaires, politique, diplomatique, autour de la question spatiale. Comment exploiter l’espace pour pouvoir répondre à nos besoins sur terre.
Invité à la 1ère édition du SIADE, que vous inspire la thématique centrale de l’événement ?
Il faut dire que d’abord le SIADE, s’il n’existait pas, il l’aurait fallu le créer, parce que je l’ai dit dans mon discours inaugural du Salon et c’est vrai, c’est sincère. L’Afrique n’a qu’un seul choix, c’est de s’embarquer dans les Technologies Nouvelles ; l’Intelligence Artificielle (IA) façonne notre vie.
L’intelligence Artificielle ce n’est pas un choix ; il faut s’y mettre maintenant pour être bien aguerri et pour être capable de l’utiliser au maximum et même de le développer dépendamment de nos besoins. Donc, c’est un sujet d’actualité, mais c’est une nécessité.L’Agence Spatial africaine est un Organe de l’Union africaine (UA). Systématiquement, tous les pays sont membres ; 55 pays.
Dr Tidiane OUATTARA, président du conseil spatial africain
Il y a le statut qui a été adopté en 2018, donc qui consacre déjà la création juridique, légale et nous avons reçu les bâtiments du Gouvernement égyptien l’année dernière et cette année, nous avons commencé à y travailler, parce que les Membres du Conseil spatial, qui est l’organe supérieur de gestion de l’Agence, ont été élus l’année dernière (2024), donc c’est un processus et nous y sommes.
Quels sont les premières missions qui sont au cœur de vos prérogatives ?
Notre premier rôle est de coordonner les activités spatiales du continent africain, parce que tous les pays n’ont pas les mêmes moyens. Cela va nous permettre de faire en sorte que les petits pays, les pays qui n’ont pas les moyens de s’offrir des infrastructures spatiales ou des données spatiales, puissent pouvoir en profiter, parce que l’un mis dans l’autre, tous les pays africains sont de gros consommateurs de données spatiales.
Que proposez-vous pour le continent africain, en ce qui concerne l’Intelligence Artificielle, la Défense et l’Espace ?
Le continent africain, chaque pays a sa priorité. Nous conseillons aux pays africains, c’est de mettre les efforts ensemble ; il faut avoir une approche intégrée. Il faut créer une synergie ; cela nous permet de ne pas avoir doublement utilisé les maigres moyens, les maigres ressources.
Cela nous permet de mutualiser les ressources financières, humaines, financières et technologiques ou infrastructurelles. Et donc les pays africains ont intérêt à encore mettre les efforts ensemble et les thématiques sont des thématiques transversales ; par exemple quand vous prenez la problématique de l’eau, que cela soit la disponibilité de l’eau ou que cela soit la qualité de l’eau, pratiquement tous les pays font face à cela. Donc en mettant les efforts, on maximise et on optimise notre chance d’avoir des résultats.
Avez-vous des difficultés pour atteindre vos objectifs ? Si oui, lesquels ?
Nous n’en sommes pas encore là. Nous n’avons pas de difficultés, parce que nous sommes l’émanation de la volonté des Chefs d’Etats et de Gouvernements de pays africains. Cependant, je comprends que la question veuille parler des défis et challenges.
Les défis existent tels que l’harmonisation des politiques ; mais il ne faut pas se leurrer, l’espace est de la souveraineté. Deuxièmement, il y a des pays qui n’ont pas de partage de données ; il y a des pays qui en ont, mais à l’extrême. Il y a des pays qui sont au milieu ; oui nous devons faire qu’on harmonise tout cela.
En plus de cela, il y a aussi la mutualisation des ressources infrastructurelles. Est-ce que je dois repayer les mêmes infrastructures que d’autres pays, au lieu que je vous dise que j’ai 100.000 dollars ; au lieu d’aller acheter, j’utilise votre équipement et ensemble on utilise les 100.000 dollars pour faire une autre application.
Des choses comme ça, voici les défis qui nous attendent et notre plus grand défi, ce n’est pas technologique, c’est la formation. On doit former le maximum de jeunes ; la masse critique. Et enfin, il faut toujours continuer à faire de la sensibilisation.
Pour une première édition du SIADE, quel est le bilan que vous donnez ?
Le bilan est très positif, parce que pour un coup d’essai, je peux vous dire que c’est une réussite. Dans un pays qui n’est pas une nation spatiale, voyez-vous, vous avez vu les dignitaires qui sont venus à ce Salon.
La première réussite est d’avoir pu mobiliser les politiques. La deuxième réussite, c’est de créer un engouement. La troisième réussite, c’est que les gens comprennent de mieux en mieux ce que l’IA peut apporter ; ça il n’y a pas de prix.
Votre mot de fin
L’Afrique fait partie maintenant des joueurs dans le domaine spatial, l’Intelligence Artificielle (IA) vient pour ajouter de la valeur. Nous demandons à tous nos amis, parce que la nature même de l’espace nous oblige à avoir de la coopération,
que cela soit intra-africaine, que cela soit intra-nationale, que cela soit internationale avec d’autres partenaires, l’Afrique attend tous les partenaires pour pouvoir l’accompagner dans son décollage vers le monde du spatial ; et ça c’est important, le partenariat, surtout le partenariat international.
Interview réalisée par Nadège Koffi et Alysée Raganot