Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publiera son dernier rapport, lundi 20 mars, dans l’après-midi. Ce résumé très attendu sur l’état de la planète viendra s’ajouter aux conclusions des rapports précédents. Depuis 2018, le même constat revient : le réchauffement climatique impacte indéniablement l’Afrique plus que n’importe quelle autre région du monde, bien que le continent ait très peu contribué aux émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Les rapports précédents du Giec avaient mis l’accent sur l’urgence d’agir contre le réchauffement climatique. Pour ce nouveau volet, les Africains attendent des politiques concrètes, notamment en termes de financement des mesures d’adaptation aux conséquences de ce bouleversement.
« La stratégie d’adaptation a été passée au second plan pendant toutes ces années, alors que c’est la priorité de l’Afrique », se plaint, à RFI, Augustine Njamnshi, président de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique.
« On nous a promis qu’on allait doubler les financements » déclare-t-il, en référence à l’article 6 de l’Accord de Paris où est reconnue la nécessité de prendre en considération les besoins des pays en développement, « mais de quels montants parle-t-on ? Combien va-t-on mettre sur la table ? Sur quels aspects ou domaines va-t-on placer le curseur ? Il faut être clair. », insiste le Camerounais.
En février 2022, le rapport des experts a conclu que l’adaptation est un axe essentiel pour limiter les dégâts du réchauffement climatique sur l’agriculture, les ressources en eau et les zones côtières, mais elle reste négligée.
Forcer la solidarité des pays riches
Les donateurs tels que la Banque mondiale et le Fonds pour l’environnement mondial préfèrent en effet financer des projets qui réduisent les sources de gaz à effet de serre plutôt que des projets qui en atténuent ses impacts.
Pourtant, les mises en garde se sont succédé. Sécheresse, inondations, cyclones… l’Afrique subit rudement les conséquences des émissions des autres. Aujourd’hui, les observateurs attendent du Giec des mots plus incisifs pour forcer la solidarité des pays riches.
« Les plus gros pollueurs doivent prendre des mesures urgentes et des actions réelles pour nous aider à atteindre les objectifs de l’accord de Paris », martèle pour sa part Nicaise Moulombi, président exécutif du Réseau des organisations de la société civile pour l’économie verte en Afrique centrale avant d’ajouter que « le Giec doit clairement l’affirmer et non passer par des chemins détournés. Ce que nous voulons, c’est l’argent sur la table de l’adaptation aux changements climatiques », déclare-t-il à RFI.
Ce spécialiste gabonais du climat a suivi tous les rapports du Giec depuis 2018. S’il salue une plus grande contribution des experts du continent aux études sur le climat, il demande une meilleure prise en compte des réalités africaines, par exemple à travers la collecte de données. « Le manque de données nous empêche de calculer la valeur réelle des efforts de conservation », explique-t-il « et donc de concevoir des politiques d’adaptation. Mais là encore, les financements manquent. »
Pas de changement sans volonté politique
Le Giec ne cesse de recommander des changements structurels dans nos sociétés afin de limiter le réchauffement à 1,5 %. Cela requiert une volonté politique. « À moins qu’il y ait un changement radical sur ce front, les informations scientifiques contenues dans ce dernier rapport ne vont rien changer face à la crise climatique », estime Augustine Njamnshi.
Le Giec va-t-il peser un jour sur les décisions politiques ? « Nous avons observé dans le passé que les considérations politiques et économiques l’ont souvent emporté sur les recommandations scientifiques », regrette-t-il.
« Nous ne voulons plus qu’on nous dise : il faut encore faire des études sur trente ans. La réalité, elle est là », assène de son côté Nicaise Moulombi avant de poursuivre : « Quand il y a des inondations, il y a des morts, quand il y a des éboulements de terrain, il y a des morts », des propos qui prennent une signification particulière à la lumière des récentes inondations au Malawi et au Mozambique, provoquées par le cyclone Freddy.
Pendant ce temps, la température monte inexorablement et de façon inquiétante. L’année 2021 a été la troisième ou la quatrième année la plus chaude jamais enregistrée en Afrique, selon l’Organisation météorologique mondiale.
Source : RFI