ENTRETIEN

Mouhamadou Moussa Diangar , chercheur à l’Isra : “ sans amélioration  génétique du Niébé, on ne peut pas faire de progrès durables  »

On est appelé à améliorer les systèmes qu’on trouve ; mais on n’est pas là pour imposer des choses.

Le Niébé en Afrique de l’Ouest : d’une culture vivrière à une culture de rente ? Cette problématique a fait l’objet d’un colloque scientifique à Dakar. Organisé par l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA) et l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), les échanges ont eu lieu entre chercheurs et acteurs de la chaîne de valeur niébé (producteurs, semenciers, coopératives, transformateurs.  L’objectif est de discuter des attentes et croiser les différents regards autour de la production et de la mise en valeur du niébé.

Le colloque a eu lieu les 1er et 02 mars 2022 entre Dakar à l’auditorium du Pôle de Recherches de Hann (ISRA/PRH) et simultanément à Montpellier à la salle du conseil d’Agropolis. A cet effet, nous avons reçu en entretien Mouhamadou Moussa Diangar, chercheur à l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA). Sa présentation a porté sur l’amélioration génétique et des systèmes de culture du niébé au Sénégal.  

All For Sciences Media : Vous travaillez sur  l’amélioration génétique du Niébé. Pourquoi cette légumineuse ? 

Mouhamadou Moussa Diangar : De plus en plus le Niébé s’impose, c’est une culture résiliente, qui permet la résilience effective du producteur. Donc de ce fait, avec une situation de changement climatique qui impose moins de deux mois de  pluie, il nous faut une culture qui peut boucler son cycle mais aussi avec les conditions de culture difficile.

Et c’est pourquoi nous penchons tous nos intérêts sur la culture du niébé. Mais sans amélioration  génétique, on ne peut pas faire de progrès durables. C’est forcément par là où il faut passer pour avoir du matériel amélioré. 

Après qu’on ait du matériel amélioré, la création variétale continue, parce que les contraintes et les préférences changent. Les producteurs nous disent donc que nous avons besoin d’une variété qui a des graines blanches, grosses et une autre communauté vous dira qu’elle a besoin  d’une variété à graine marron.

De ce fait, tout ce qui a comme préférence, c’est à prendre en compte, pour faciliter l’adoption. Autrement dit, il faut anticiper sur l’adoption des variétés. Et comment se faire l’adoption ? Il faut chaque fois mettre à jour les profils de produit et c’est ça qui vous permet de savoir les préférences réelles. 

Il y a également l’amélioration des systèmes de culture. Donc tout ce qui a comme fertilisation, que ce soit avec des engrais minéraux, des techniques de germination ou que ce soit avec des bactéries ou des espèces, c’est des aspects qu’il faut prendre en compte pour  réconforter la sélection variétale, puisqu’elle prend un peu de temps pour mettre ses résultats sur la table.

Donc à côté, vous avez un programme d’amélioration des systèmes de culture et vous pouvez donc espérer augmenter les rendements de manière drastique. C‘est d’ailleurs ce que les producteurs attendent.

Pourquoi sentez- vous la nécessité d’améliorer les systèmes de culture existantes ? 

Tout simplement parce que beaucoup de ces systèmes existent déjà et donc il faut les valoriser. C’est pourquoi on pense que les systèmes traditionnels du producteur peuvent être améliorés avec très peu d’intrants. 

Dans un contexte de changement climatique, quels sont les enjeux auxquels sont confrontée la culture du Niébé au Sénégal ?

Ce qu’on voit maintenant c’est que la première pluie attend plusieurs jours (25 voire 29 jours) avant une deuxième pluie.  C’est donc des poches de sécheresse qui déprécieraient les rendements.

La sécheresse  est donc le premier élément en termes de changement climatique, à prendre en compte au Sénégal et partout  en Afrique Saharienne. Il  y a aussi  la migration des parasites. On a tendance à voir des parasites qu’on n’avait pas pour habitude de voir dans certaines zones, par exemple le Striga qui est une mauvaise herbe et qui s’élargit petit-à-petit. Donc il faut que la sélection puisse anticiper avant que ça ne s’installe. C’est la même chose avec certains champions comme Macrophomina ble. 

Mouhamadou Moussa Diangar, chercheur à l’ISRA

Quelle est la part de responsabilité des chercheurs dans la gestion de ces difficultés ?

Pour gérer ces difficultés, nous comptons travailler en collaboration avec les acteurs même. Ces acteurs ne sont rien d’autres que les producteurs. Donc on va essayer de comprendre leur système qu’ils utilisent habituellement. Ensuite nous allons chercher comment il faut les aider à améliorer ce système-là. On les aide à vraiment prendre avantage de ces arbustes et c’est ça notre part de responsabilité en tant que chercheurs

On est appelé à améliorer les systèmes qu’on trouve ; mais on n’est pas là pour imposer des choses. Une fois aussi qu’au niveau de la sélection qu’on développe du matériel, on expose en même temps aux producteurs ou aux utilisateurs le matériel qu’ils ont l’habitude d’utiliser et eux-mêmes vont témoigner la supériorité des nouvelles technologies que nous proposons. 

Propos recueillis par Giraud Togbé 

Transcription Ricardo Domingo 

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