ENTRETIEN RECHERCHE SCIENCE ET FEMME

Yvette Djoha Seukou, doctorante en économie industrielle : « le pouvoir public doit inciter les entreprises industrielles à investir dans les énergies renouvelables ».

Nous avons échangé avec une jeune doctorante sur sa passion pour les questions d’économies industrielles.

Yvette DJOHA SEUKOU est son nom. Les sciences de l’économie industrielle et du développement comme toutes les autres sciences sont au cœur du développement de nos sociétés en général et des entreprises en particulier. Dans les universités les chercheurs travaillent à inculquer le savoir-faire aux jeunes passionnés afin qu’ils travaillent aussi à relever les défis d’aujourd’hui.  

Cette entrevue réalisée par l’équipe All For Sciences Media,  fait suite à une formation mise en place par la plateforme RaccourSci qui donne gratuitement, en ligne, des conseils pour communiquer les sciences auprès de différents publics.

RaccourSci est une initiative de l’Acfas et de l’Agence Universitaire de la Francophonie. Cette action de formation était soutenue par le Centre de Recherches pour le Développement International. Pour rappel notre média a été associé à cette initiative au travers notre journaliste Charlotte Ezebada en tant que jury et conseillère en communication scientifique orale. Entretien !

All For Sciences Media : Faites – vous connaître à nos lecteurs 

Bonjour à tous, je me nomme Yvette DJOHA SEUKOU cinquième enfant d’une fratrie de six. Étudiante en thèse à luniversité de Maroua  à l’extrême nord du Cameroun.

Comment êtes-vous arrivée à la recherche, et quelles ont été vos motivations ?

Yvette DJOHA SEUKOU : Dès l’obtention de mon baccalauréat en mathématiques physique, j’intègre l’université en m’inscrivant en sciences économiques et gestion. Au cours de l’année académique, mon papa me fait savoir qu’il n’a plus les moyens pour que je puisse continuer les études universitaires. J’ai donc été contraint d’arrêter les études.

Au cours de cette même année, je me suis présenté au concours de l’école normale supérieure et le concours des instituteurs. Malheureusement je n’ai pas réussi au concours de l’école normale supérieure mais j’ai été admise à celui des instituteurs. J’ai fait 9 mois de formation afin d’avoir mon certificat d’aptitude professionnel des instituteurs des écoles maternelles et primaires.

Mon objectif était d’atteindre l’indépendance vu que mon papa ne pouvait plus continuer à financer mes études supérieures. Après l’obtention du Certificat d’Aptitude Professionnel des Instituteurs des Écoles Maternels et Primaires CAPIEMP, je me suis insérée à la vie active. Autrement dit, j’ai commencé par chercher d’emploi dans les écoles.

Yvette DJOHA SEUKOU, doctorante en économie industrielle

J’ai postulé dans plusieurs écoles. La majorité des écoles payaient seulement 25000 FCFA, un salaire vraiment dérisoire. J’ai donc décidé de continuer mes études universitaires pour avoir un bon revenu.

Continuer mes études supérieures découle de la motivation de percevoir un revenu meilleur que celui des instituteurs. Grâce aux diplômes universitaires je pourrai atteindre un sommet haut dans l’enseignement.

En cumulant travail et cours à l’université, j’obtiens une licence en ingénierie économique et financière. J’obtiens également le Master 1 en ingénierie économique et financière mais malheureusement je n’ai pas eu l’accès au master 2. Car l’accumulation du boulot et des cours ne m’ont pas permis de fournir les efforts nécessaires pour obtenir la moyenne requise pour l’admission en master 2.

Sans me décourager, l’année suivante je me suis inscrite en master 1 en économie internationale vu que mon objectif était d’intégrer le corps des enseignants supérieurs. Je me suis donné à fond c’est ainsi que j’ai eu l’accès au master 2.

Ma passion pour la recherche, naît de la possibilité de déceler un problème de société, d’en faire un sujet de recherche, le développer et trouver des solutions pour la population cible. Puisque je suis spécialiste en microéconomie du développement.

Aujourd’hui vous êtes en thèse, quels sont vos ressentis. Avez-vous l’impression d’accomplir vos rêves ?

Pour le moment non. J’aurai accomplis mes rêves si j’intègre le corps de l’enseignement supérieur. Puisque j’aime transmettre les connaissances. C’est une passion ! Je suis fière quand j’illumine le visage d’un enfant grâce au savoir-faire transmis.

Quel sujet fait l’objet de votre recherche scientifique ? Et pourquoi ce choix?

Le sujet qui fait objet de ma recherche s’intitule : « Effet de la Disponibilité de l’Energie Electrique sur la Productivité des Entreprises Industrielles du Cameroun ». Le choix de ce sujet s’est fait spontanément. A la fin de la rédaction de mon mémoire de master qui a été rédigé avec beaucoup de difficultés, en raison de coupures d’électricité.

Les questions suivantes me sont venues à l’esprit : Les étudiants moins gourmands en électricité, rencontrent des difficultés à cause des coupures électriques. Qu’en est-il des entreprises industrielles au Cameroun? Sont- elles toujours productives malgré les coupures?.

J’opte d’évaluer l’effet du déficit sur la productivité. Parce que la productivité est la raison d’être des entreprises comme le disait BLAUG en 1999.

La notion de productivité renvoie au rendement, à l’efficacité, à l’efficience des entreprises. La productivité mesure la performance économique d’une entreprise. On dit qu’il y a croissance de productivité lorsque la production croît plus que les ressources nécessaires pour sa réalisation. C’est la raison pour laquelle j’opte d’évaluer l’effet du déficit électrique sur la productivité.

Yvette DJOHA SEUKOU, doctorante en économie industrielle

Au fond quels problèmes souhaitez-vous solutionner et quelle est votre méthodologie de travail ?

Le problème que je cherche à solutionner est qu’on n’entende plus parler des coupures d’électricité au Cameroun. Améliorer l’offre d’électricité au Cameroun, et également la productivité industrielle. Pour y arriver, j’ai opté pour une méthodologie en deux étapes.

Yvette DJOHA SEUKOU, doctorante en économie industrielle

Premièrement, j’utilise des outils économétriques et statistiques pour évaluer l’effet du déficit électrique sur la productivité des entreprises. En seconde étape, je formule des recommandations de politiques économiques à l’Etat.

En première étape, j’utilise la fonction de production de type Cobb-Douglas pour extraire la Productivité Totale des Facteurs (PTF). J’ai également utilisé la méthode des Moindres Carrées Ordinaires Instrumentale pour évaluer l’effet du déficit électrique sur la Productivité Totale des Facteurs et la productivité du travail.

J’utilise aussi la méthode par Analyse d’Enveloppement des Données pour générer les scores d’efficacité technique et allocative. Et le modèle TOBIT pour évaluer l’effet du déficit électrique sur l’efficacité technique et l’efficacité allocative des entreprises industrielles.

J’utilise ces outils économétriques et statistiques afin de mesurer le degré d’impact du déficit électrique sur les différents aspects de la productivité afin de formuler des recommandations de politiques économiques qui permettront de résoudre le problème posé.

Comme politique économique, je recommande au gouvernement de créer des Missions d’Aménagements et de Gestion des Zones Industrielles (MAGZI) autour des grands projets d’investissements en infrastructure hydraulique.

Il est aussi important d’intensifier les investissements dans la production de l’électricité à base des sources solaires, biomasses et éolienne afin d’améliorer l’offre d’électricité au Cameroun. Les pouvoirs publics doivent encourager les entrepreneurs industriels et les entreprises privées à travers des politiques incitatives à investir dans les énergies renouvelables comme le solaire, l’éolienne et la biomasse.

L’état peut par exemple baisser les taxes sur les produits importés utilisés dans la production de l’énergie à base du solaire de l’éolienne et de la biomasse.

Je propose également au gouvernement de former les entrepreneurs mais aussi les étudiants sur l’utilisation efficace de
l’énergie électrique à travers les forums et les formations. Aussi, l’État doit encourager la recherche et l’innovation sur les méthodes de production d’électricité à base des énergies renouvelables.

Quels liens faites-vous entre l’économie industrielle et le développement en Afrique ?

Je dirai que l’économie industrielle est un volet de l’économie du développement. En effet, l’économie industrielle en améliorant la santé des entreprises, éradique la pauvreté et améliore le développement.

Je m’explique : l’économie industrielle se préoccupe uniquement de la santé des firmes industrielles et de leurs interactions sur le marché.

Yvette DJOHA SEUKOU, doctorante en économie industrielle

Donc quand je parle de santé des firmes industrielles, on inclut le fonctionnement des firmes, les différentes stratégies de
concurrence etc… Par contre, l’économie du développement quant à elle met l’accent sur le bien être par habitant d’un pays, en comparaison a un autre pays qui est en avance.

Techniquement, l’économique industrielle a pour objectif d’expliquer le fonctionnement des relations d’échanges entre les entreprises opérant sur un même marché. Elle a également pour objectif d’analyser l’impact de ses relations sur l’organisation et le fonctionnement de l’industrie et du marché et de proposer des outils de politiques industrielles aux pouvoirs publics et aux autorités de réglementations.

L’économie du développement quant à elle a pour objectif d’aider les pays en retard à rattraper ceux qui sont en avance sur eux surtout en ce qui concerne le revenu par habitant.

 Je dis merci à All For Sciences Media, pour cette opportunité d’échange offerte.

Propos recueillis par Charlotte Ezèbada

Transcription par Ricardo Domingo 

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