Alors que les crises sanitaires, environnementales et nutritionnelles s’entremêlent, l’agroécologie s’impose comme une réponse durable et transversale. En Côte d’Ivoire, des chercheurs issus de divers champs disciplinaires tirent la sonnette d’alerte.
La santé des sols, des plantes, des animaux et des humains est intimement liée. Grâce à l’approche « One Health », ils plaident pour des pratiques agricoles qui restaurent la santé globale à partir du sol.
« Un sol en bonne santé, c’est des plantes en bonne santé, donc une production saine, et in fine des humains en bonne santé », fait savoir Dr Zon Demeango Serge, chercheur en écologie du sol. Son constat résume l’essence même de l’approche « Health One ». Longtemps marginalisé, la santé des sols s’invite aujourd’hui au cœur des débats sur la santé publique.
Et pour cause, les pratiques agricoles intensives menées au détriment de l’environnement compromettent à la fois la qualité nutritionnelle des aliments et la santé des écosystèmes, humains et des animaux y compris. « Il faut dire que la santé et la protection des plantes, c’est un pilier fondamental dans l’approche d’une seule santé », confirme Dr Arthur Konan, entomologiste.
Des terres épuisées, des aliments toxiques
Le diagnostic des sols maraichers en Côte d’Ivoire par l’équipe du Dr Zon a révélé des carences profondes, en lien avec une dépendance accrue aux engrais chimiques. Ces sols appauvris produisent des végétaux fragilisés, moins nutritifs, parfois saturés de résidus toxiques. « Le maraichage est le parent pauvre de l’agriculture en Côte d’Ivoire », souligne le Dr Zon en insistant sur la nécessité d’une transition vers des fertilisants organiques.
La pollution ne s’arrête pas au champ. « Quand on traite une tomate avec un pesticide, deux jours plus tard elle se retrouve dans nos assiettes », déplore Dr Athur Konan, entomologiste. Malheureusement, déplore-t-il, ces produits souvent cancérogènes provoquent des troubles hormonaux, la baisse de fertilité, maladies respiratoires, etc.
Les agriculteurs, premières victimes des produits chimiques
Dr Seydou Diabaté, enseignant-chercheur en entomologie agricole, quant à lui, s’inquiète pour la santé des agriculteurs, en première ligne face à cette pollution invisible. « Ils n’ont souvent ni formation ni moyens de protection utilisent les pesticides à haute dose, parfois en les mélangeant », regrette-t-il.
Cela engendre des risques graves pour la santé dont les intoxications, troubles respiratoires ou cancers. Il ajoute, à cet effet, que dans un contexte de monoculture intensive (cacao, palmier à huile, hévéa) les ravageurs se multiplient, devenant résistant, poussant à l’escalade chimique.
« On a trouvé des méthodes chimiques comme des engrais pour accroître la production. Mais on s’est rendu compte qu’en réalité, on a déplacé le problème. Parce qu’en voulant produire beaucoup, on a tout pollué », regrette Dr Konan. Pour lui, l’obsession du rendement à court terme née de l’agriculture conventionnelle ou industrielle a appauvri les sols, pollué les eaux, appauvri la biodiversité, et provoqué un effet boomerang sanitaire.
Outre cela, le Dr Diabaté Seydou note également quecette agriculture dite conventionnelle, « bien qu’elle soit positive, parce qu’elle a vraiment permis d’augmenter le rendement, a eu un impact très négatif sur l’environnement ».
Selon lui, la Côte d’Ivoire qui était à environ 16 millions d’hectares aux années des indépendances (NDLR : 1960) se retrouve aujourd’hui avec au moins de 2 millions d’hectares de forêt à cause de la production énorme de cacao, palmiers à huile. Ce constant alarmant trouve une réponse prometteuse dans l’agroécologie.
L’agroécologie, remède naturel à crise globale
Loin d’être un retour nostalgique à l’agriculture d’antan, l’agroécologie constitue une science, une pratique et un mouvement social. Elle propose de produire « autrement » en s’appuyant sur les savoirs endogènes, la diversité des cultures, l’usage d’intrants organiques et la valorisation de la biodiversité fonctionnelle.
« Il est reconnu que les systèmes agroécologiques jouent un rôle clé dans l’atteinte des objectifs de santé et de nutrition », affirme Pr Georgette Konan, spécialiste en nutrition et sécurité alimentaire. Son équipe a comparé les produits maraichers issus de l’agriculture conventionnelle et ceux de l’agroécologie dans le cadre du projet MARIGOT.
Les résultats de la recherche indiquent que les denrées issues de l’agroécologie contiennent des nutriments et des composés bioactifs bénéfiques pour la santé.
Ces composés contiennent des vitamines, en polyphénols et autres anti-oxydants connus pour prévenir les maladies chroniques non transmissibles notamment le diabète, l’obésité, l’hypertension, le cancer, etc.
Kuessi T.