Le Symposium des Jeunes Chercheurs Africains s’est penché sur le rôle crucial de l’art et de la culture dans le développement du continent africain, lors de sa dernière journée tenue en ligne le 7 juin 2024.
Des panélistes de renom, le réalisateur Jean Pierre Bekolo, la cinéaste Patricia Kwende, la plasticienne Justine Gaga, et la cinéaste Aïssa Maiga ont exploré les diverses facettes de la thématique « Comment l’art et la culture concourent au développement du continent », mettant en lumière les défis et les opportunités qui se présentent aux artistes africains.
Cet événement a réuni des experts et des artistes de divers horizons pour débattre de l’industrialisation de l’art, des défis liés au financement et à la promotion de la culture africaine. Les discussions ont mis en lumière la nécessité de structurer les industries créatives sans forcément copier les modèles occidentaux, de renforcer les lois pour protéger les artistes, et d’encourager les jeunes créateurs à exploiter leur authenticité culturelle.
Le symposium a également abordé les enjeux de la mondialisation sur l’identité culturelle africaine et la résistance face à l’art de la commande. Les panelistes ont discuté les différentes perspectives et propositions, mettant en avant l’importance de repenser l’écosystème culturel post-colonial et de valoriser les richesses artistiques du continent.
Parlant de la contribution des industries culturelles et créatives dans la croissance économique et la création d’emploi en Afrique, le réalisateur Jean Pierre Bekolo, a souligné que la question d’industrialiser l’art reste complexe. Selon lui, la production artistique est avant tout un désir d’expression plutôt qu’un moyen de générer des revenus.
Il a critiqué le modèle colonial qui marginalise les artistes et privilégie les infrastructures administratives au détriment des espaces culturels. Jean Pierre a également abordé le problème de la piraterie et l’exploitation des œuvres d’art par les administrations sans rémunération adéquate.
Sur ce sujet, Patricia Kwende, cinéaste, a proposé une perspective différente, affirmant qu’il est possible d’industrialiser l’art et la culture en Afrique sans copier des modèles extérieurs. Elle a souligné que structurer l’économie de la culture est essentiel pour son développement. Selon elle, la mise en place de structures pour faire respecter les lois existantes est une étape cruciale, tout comme la collaboration étroite entre artistes et État.
Financement
Le débat s’est étendu sur les modèles de financement et la dépendance aux financements extérieurs. Patricia a évoqué les dangers des financements qui imposent un certain style, citant le Cameroun où peu d’artistes résistent à ces influences. Jean Pierre, cependant, a argumenté que l’important est l’engagement de l’artiste à servir et à s’exprimer authentiquement, indépendamment de la source de financement.
Justine Gaga, plasticienne, a dénoncé le capitalisme et l’art de la commande, affirmant que les artistes africains doivent se libérer de l’influence occidentale. Elle a plaidé pour la création authentique et l’indépendance artistique, en citant l’exemple du film « Les Saignantes » comme une œuvre faite pour soigner le mental et l’esprit humain. Justine a insisté sur la nécessité d’avoir des modèles et des infrastructures soutenant les artistes de qualité.
Mondialisation et identité culturelle
La mondialisation impacte énormément le travail des artistes africains rendant assez compliquée la préservation de leur identité. Malgré ce defis, Patricia a affirmé que les artistes africains puisent dans leur identité pour enrichir le monde, en exploitant leur authenticité. Cependant, Jean Pierre a précisé qu’il est essentiel de distinguer entre les expressions individuelles des artistes et les représentations culturelles collectives, notant qu’une œuvre produite par un Africain ne représente pas nécessairement toute l’Afrique.
Perspectives diversifiées
La cinéaste Aïssa a souligné que le problème de l’art de commande n’est pas uniquement francophone, mais global. Elle a ajouté que les créatifs doivent non seulement résister aux commandes, mais aussi lutter pour exister dans un contexte où la culture est souvent négligée et sensible face aux pouvoirs en place.
Aïssa a également abordé l’exploitation du continent par des plateformes comme Netflix, qui, consciente du potentiel de l’Afrique, s’approprie les productions des jeunes talents locaux. Jean Pierre a critiqué cette appropriation, affirmant que les artistes perdent leur identité dans le processus, comparant Netflix à Amazon qui a détruit les librairies.
L’Afrique malgré son potentiel et ses riches talents n’arrive pas à attirer les investisseurs. Pour Patricia ce problème est lié au désintérêt du public africain pour le cinéma et a insisté sur la nécessité de rééduquer le public afin de resusciter leur intérêt au cinéma africain. Justine Gaga a ajouté qu’il est crucial de sensibiliser les gens en créant des scénarios captivants, surtout pour les jeunes.
Formation et hégémonie culturelle
Les discussions ont soulevé l’idée de repenser le développement du continent à travers l’art et la culture, en utilisant le cinéma pour conscientiser le peuple et établir une hégémonie culturelle africaine similaire à celle des États-Unis. Aïssa a suggéré que cela passe par la formation, proposant des programmes de formation dans toutes les branches du cinéma pour renforcer les capacités locales. Patricia a ajouté qu’il est essentiel de retrouver confiance en soi et de se raconter selon notre propre perspective.
Rôle de la femme artiste
Le symposium a conclu sur l’importance cruciale de la contribution des femmes artistes au développement de l’Afrique à travers la culture. Aïssa a proposé l’organisation d’un nouveau panel plu tard réunissant les artistes et producteurs pour discuter de leurs projets en faveur du continent.
Ce symposium a mis en lumière les défis et opportunités liés à l’industrialisation de l’art en Afrique. Les discussions ont souligné l’importance de structures de soutien, de financements adéquats et de la préservation de l’authenticité culturelle face à la mondialisation. Les perspectives variées des participants ont enrichi le débat, offrant des pistes pour un développement culturel intégré et respectueux des identités locales.
Zara Hassan (Stag)