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Ouagadougou : les décharges d’ordures, une menace pour les eaux souterraines -Thèse

Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso fait face un problème majeur de gestion des déchets. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), près de 700 000 tonnes d’ordures ont été produites dans la ville de Ouagadougou en 2020. Cette quantité représente trois fois celle produite il y a vingt ans et environ un tiers de ces déchets sont en plastique non dégradable. 

C’est dans ce contexte que la thèse de doctorat de Abdoul Azize Barry, chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo prend toute son importance. Intitulée « Étude biogéochimique et isotopique dans les eaux souterraines au voisinage des décharges d’ordures en milieu fracturé et urbain : cas de la commune de Ouagadougou (Burkina Faso) », cette recherche révèle que ces décharges d’ordures posent un problème majeur pour la qualité des eaux souterraines de la ville. 

La thèse a été soutenue en 2023 en cotutelle avec l’Université d’Avignon, dans le cadre de l’École doctorale 536 « Sciences et agrosciences ». Pour cette recherche, Abdoul Azize Barry a analysé plusieurs décharges d’ordures à Ouagadougou, Burkina Faso, révélant une contamination significative des eaux souterraines par des lixiviats riches en matières organiques, azotées et métalliques. 

Le lixiviat est le liquide qui se forme lorsque l’eau traverse une substance, comme un tas de déchets, des produits chimiques ou même un sol contaminé par des polluants. « Lorsque les décharges d’ordures ne sont pas bien étanches, ces lixiviats peuvent contaminer les nappes d’eau souterraine par infiltration et/ou les eaux de surface par lessivage », renseigne le chercheur Barry. 

Il précise que « pour mieux comprendre cette problématique, quatre sites de décharges différents ont été sélectionnés en fonction de leur typologie (c’est-à-dire leur nature, leur taille, leur âge, etc.) » dans le cadre de cette étude.

Un modèle conceptuel de la propagation des polluants

L’étude a utilisé une combinaison de techniques notamment la méthode du potentiel spontané (PS), l’analyse isotopique et hydrogéochimique pour cartographier la pollution et identifier les sources de contamination. Elle a révélé la complexité du modèle de contamination de l’aquifère fracturé de  Ouagadougou, soulignant la diversité des situations, l’hétérogénéité des polluants  ( produits chimiques, métaux lourds) et la biodégradation dynamique qui se produit dans le panache de pollution.

L’analyse de ces résultats démontre la grande complexité du modèle conceptuel de contamination de l’aquifère fracturé de Ouagadougou, en raison de plusieurs facteurs. Ces facteurs incluent la grande diversité de situations et de compositions des décharges d’ordures, l’hétérogénéité spatiale (ndlr : répartition des diverses concentrations de chaque espèce dans une zone) de la composition des lixiviats qui pénètrent dans la nappe phréatique, l’hétérogénéité des lignes de flux de pollution suivant la structure fracturée de l’aquifère et provenant d’autres sources en amont de la décharge, notamment les fertilisations agricoles et la position des puits perdus, et la biodégradation complexe et dynamique qui se produit dans le panache de polluant.

Issaka Nikiéma, un jardinier près du dépotoir au théâtre populaire de Ouagadougou (quartier Samadin), témoigne qu’ en raison de l’exfiltration des ordures, le rendement de mon activité de jardinage baisse d’année en année. L’eau des puits est devenue acide et les spéculations se fanent malgré le fumier organique qu’on y met ». Pour résoudre ce problème, propose -t-il de délocaliser les dépotoirs d’ordures en périphérie de la ville, loin des barrages, afin d’éviter la pollution des eaux.

Une niche d’opportunités

Face à l’impact des décharges d’ordures sur la pollution des eaux souterraines, le Dr Barry préconise un suivi régulier des sites de décharge et des zones à risque de contamination, l’engagement des communautés locales dans la surveillance de la qualité de l’eau et l’élaboration de stratégies de gestion de l’eau pour minimiser la contamination, notamment par la gestion des déchets, l’adoption de pratiques agricoles durables et la régulation des activités industrielles.

Emmanuel Diagbouga, expert en gestion de l’environnement, propose plusieurs idées de startups qui pourraient non seulement relever les défis actuels de la gestion des déchets, mais aussi créer des opportunités économiques. 

Selon lui, une entreprise pourrait être créée pour transformer les déchets en produits de valeur ajoutée grâce au recyclage et à l’upcycling, un processus qui consiste à récupérer divers matériaux inutilisés pour créer des objets ou des produits de qualité supérieure. Il préconise également le lancement d’une entreprise de compostage urbain qui transformerait les déchets organiques en compost utilisable dans les jardins et les espaces verts de la ville. 

Emmanuel Diagbouga, expert en gestion de l’environnement

Diagbouga suggère le développement d’une plateforme numérique dédiée à la gestion des déchets, facilitant ainsi la collecte, le tri et le recyclage des déchets. Il propose l’ouverture d’un centre de réparation et de réemploi pour prolonger la durée de vie des objets et réduire la quantité de déchets. Enfin, il envisage le développement d’une entreprise qui convertirait les déchets en énergie, par exemple via la méthanisation ou la gazéification.

Dô DAO (Stag)

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