Mariangela Hungria, microbiologiste de renom et boursière de la TWAS (Académie mondiale des sciences), vient d’être consacrée lauréate 2025 du Prix mondial de l’alimentation — une distinction souvent qualifiée de « Prix Nobel de l’agriculture ».
Cette reconnaissance lui est attribuée pour ses contributions scientifiques exceptionnelles à la fixation biologique de l’azote, une avancée majeure pour l’agriculture durable dans les régions tropicales.
Depuis plus de quarante ans, Mariangela Hungria œuvre au sein de l’Embrapa, l’Institut brésilien de recherche agricole.
Elle a consacré sa carrière à développer des alternatives biologiques aux engrais de synthèse, permettant d’améliorer à la fois la santé des sols, le rendement des cultures et l’impact environnemental de l’agriculture. Grâce à ses recherches, des traitements biologiques innovants ont été mis au point pour enrichir les sols via des bactéries fixatrices d’azote.
Ces innovations ont été appliquées sur plus de 40 millions d’hectares au Brésil, générant une économie estimée à 40 milliards de dollars par an pour les agriculteurs, tout en évitant l’émission de plus de 180 millions de tonnes d’équivalent CO₂.
Cette réussite scientifique n’est pas seulement un exploit technique : elle illustre une transformation profonde des pratiques agricoles dans les pays du Sud. Le cas du soja brésilien en est un exemple emblématique : la production nationale est passée de 15 millions de tonnes en 1979 à 173 millions de tonnes prévues pour la prochaine récolte. Ce développement spectaculaire repose en grande partie sur les biotechnologies durables mises en œuvre par Hungria et son équipe.
Au-delà de ses travaux de recherche, Mariangela Hungria est également une figure académique influente. Elle a formé plus d’une centaine d’étudiants de master et de doctorat et publié plus de 500 travaux scientifiques.
Elle est également professeure de microbiologie et biotechnologie à l’Université de Londrina. Reconnue à l’international, elle a effectué des postdoctorats dans de prestigieuses institutions telles que Cornell, l’Université de Californie à Davis et l’Université de Séville. En 2020, elle a déjà été récompensée par le prix TWAS-Lenovo pour ses contributions à la science.
Malgré ce parcours impressionnant, Hungria n’a pas été épargnée par les obstacles. « Beaucoup ont remis en question mes capacités et moi tout au long de ma carrière, mais j’ai cru en ce que je faisais et j’ai persévéré », confie-t-elle avec émotion.
À travers son prix, elle souhaite que son parcours inspire les femmes et les jeunes scientifiques, en particulier ceux issus des pays en développement, à suivre leur passion pour la science. « Le rôle des femmes dans l’agriculture, de l’agriculture à la science, mérite davantage de reconnaissance », a-t-elle affirmé.
La TWAS, qui soutient la recherche scientifique dans les pays en développement depuis 1983, a exprimé sa fierté face à cette consécration. Sa présidente, Quarraisha Abdool Karim, a salué une chercheuse dont le travail « a amélioré la vie de centaines d’agriculteurs à travers le monde et a contribué de manière significative à la santé de la planète ».
Elle a également souligné la capacité de Hungria à « inspirer les jeunes scientifiques des pays du Sud, ainsi que les chercheurs de renom du monde entier ».
Doté de 500 000 dollars, le Prix mondial de l’alimentation récompense chaque année une personnalité ayant apporté une contribution remarquable à l’approvisionnement alimentaire mondial, dans des domaines allant des sciences végétales à l’économie, en passant par la nutrition, les technologies agricoles et la conservation des ressources naturelles. Il rappelle l’impératif de garantir à tous une alimentation sûre, durable et équitable.
À travers ce prix, c’est donc une trajectoire exceptionnelle qui est saluée : celle d’une femme scientifique, originaire du Sud global, ayant su allier rigueur scientifique, engagement environnemental et impact social. Mariangela Hungria incarne ainsi les espoirs d’une agriculture plus verte, plus juste et plus résiliente face aux défis de notre temps.