Plongez dans les vestiges de la carothèque, un trésor géologique, développé lors de l’Acte 8 du projet Clin d’œil à l’Entreprise sous le thème : la carothèque , un patrimoine géologique insoupçonné », le 04 avril 2024, à l’université Joseph KI-ZERBO. Dans cet entretien, le promoteur de ce projet, Dr Hermann Ilboudo dévoile les secrets de la carothèque et son potentiel inestimable pour le Burkina Faso.
Présentez-vous à nos lecteurs et parler nous de votre projet Clin d’œil à l’entreprise ?
Je suis le Dr. Hermann ILBOUDO, Maître de Conférences en Géologie Appliquée et Directeur Général du Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina (BUMIGEB). Je suis également le coordinateur du projet « Clin d’œil à l’entreprise ».
Le projet « Clin d’œil à l’entreprise » est une initiative du Département des Sciences de la Terre de l’Unité de Formation et de Recherches en Sciences de la Vie et de la Terre (UFR-SVT) de l’Université Joseph Ki-Zerbo. Dans un contexte où les programmes de formation sont en cours de révision pour mieux répondre aux besoins du marché du travail, ce projet vise à renforcer la formation des géologues de niveau Licence, Master et Doctorat.
Pour ce faire, nous avons créé un espace d’échange entre professionnels et étudiants sous forme de conférences-débats. Ces conférences, au nombre de quatre par an sont organisées chaque trimestre. Chaque conférence est animée par un présidium composé d’un conférencier, d’un modérateur et d’un rapporteur. Nous en sommes actuellement à notre huitième session qui a eu lieu le samedi 4 mai 2024.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une carothèque et pourquoi elle est considérée comme un patrimoine géologique insoupçonné ?
La carothèque est le lieu de stockage, et de conservation des carottes de roches issues de sondages miniers réalisés lors des campagnes d’exploration géologique et minière. Ces carottes sont des échantillons de forme cylindrique, extraites des profondeurs de la terre. Elles préservent les relations entre les lithologies traversées et exposent toutes les autres informations enfouies dans l’horizon traversé.
A quoi sert les carottes dans l’industrie minière ?
Le traitement des données collectées dans les carottes, appuyé d’analyses géochimiques aide à une meilleure compréhension de la géologie, l’élaboration de modèle des gisements, de décider de la viabilité ou non du projet. L’importance et le caractère pérenne des carottes sont liés au fait qu’elles sont partiellement consommées ou tout au plus exploitées au 3/4.
La partie restante sert de témoin pour des besoins de contrôle, de vérification. C’est dire que sa conversation est d’une impérieuse nécessité pour les investigations complémentaires, afin de relancer des travaux de recherches, en lien avec l’évolution des connaissances et les enjeux du moment.
Quelle est la date de création de la première carothèque du Burkina Faso ? On en dénombre combien à ce jour ?
Au Burkina Faso, on dénombre à nos jours 4 carothèques, dont une centrale à Ouagadougou et trois annexes à Bobo-Dioulasso, Gaoua et Batié. Les deux dernières ayant été rétrocédées par des sociétés minières.
Dr Hermann Ilboudo, expert en géologie appliquée
Comment la carothèque contribue-t-elle à la recherche géologique et environnementale au Burkina Faso ?
L’intérêt que revêtent certaines commodités en lien avec l’évolution des connaissances et leur apport dans la transition énergétique, oriente de plus en plus les investisseurs vers la recherche des Minéraux dits de Hautes Technologies (MHT), que nous qualifions de « minéraux de demain ».
Aujourd’hui, la tendance classificatoire discrimine les « minéraux critiques » des « minéraux stratégiques ». C’est dire qu’on y gagnerait suffisamment en premier lieu à réétudier les carottes réalisées dans les environnements géologiques propices en y portant une attention sur ces minéraux que cela n’avait été par le passé.
Pour rappel, les gisements exploités sont essentiellement des gisements d’or, et les analyses géochimiques réalisées ont majoritairement ciblé l’or. Que dire des éléments traces accompagnateurs non analysés ??
Du reste, dans un contexte sécuritaire peu rassurant, réduisant les missions de terrain, la recherche minière et la formation académique dans le domaine des sciences de la terre se trouvent impactées, et les carottes sont une alternative sûre, pour la formation et la recherche.
Dr Hermann Ilboudo, expert en géologie appliquée
Comment la carothèque peut-elle aider le Burkina Faso à faire face aux défis environnementaux tels que le changement climatique ?
La carothèque peut être réutilisée pour rechercher les minéraux dites de hautes technologie (MHT) comme le lithium, les terres rares utilisés pour la fabrication des batteries ; ce qui va contribuer à réduire l’utilisation des énergies fossiles (pétrole, Gaz, Bitume etc.)
Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés dans la gestion et la préservation de la carothèque ?
Un des défis majeurs est la manière dont les données issues des carottes sont collectées et conservées. De plus, l’administration minière est confrontée au défi d’entreprendre des actions pour assurer le contrôle de ce patrimoine.
Il est également nécessaire d’établir une politique minière pour une bonne gestion de ce patrimoine, qui a été réalisé à coût de plusieurs dizaines de millions, voire de milliards, de FCFA. Enfin, un autre défi consiste à définir un espace pour le stockage des carottes afin de créer une carothèque nationale.
Quels sont les projets ou recherches actuels qui impliquent l’utilisation de la carothèque ? Quels sont les défis auxquels le Burkina Faso est confronté en matière de préservation de son patrimoine géologique ?
L’exploration et la recherche minières, la recherche scientifique et l’enseignement, les travaux de cartographie nationale etc. Le Burkina Faso est confronté à de nombreux défis quant à la préservation de son patrimoine géologique.
On peut citer par exemple, l’exposition des carothèques au vandalisme, au vol par des individus, les aléas climatiques (feux de brousses ou inondation peuvent impacter la carothèque et entraver la bonne exploitation de l’information géologique) etc.
Comment le public peut-il s’impliquer ou soutenir la préservation de la carothèque ?
Ceux qui doivent surtout s’impliquer pour la préservation des carottes sont l’administration minière (le Ministère de l’énergie des mines et des carrières, le BUMIGEB), les structures minières, les cabinets de recherche et d’exploration et bien sur les enseignants chercheurs en adoptant une politique de gestion de la cartothèque.
Quant-au grand public, il peut contribuer en s’informant déjà sur la cartothèque et son importance, par ailleurs il peut alerter les autorités minières dans les situations ou des carottes seraient mal conserver où stocké dans un milieu non propice.
Quelles sont les perspectives d’avenir pour la carothèque au Burkina Faso et comment voyez-vous son rôle évoluer dans les années à venir ?
Les perspectives d’avenir pour la carothèque au Burkina Faso comprennent l’aménagement d’un espace pour une carothèque nationale et la capitalisation des carottes logées par les entreprises minières. Il est également prévu de définir des textes qui régissent la collecte et la conservation des carottes.
De plus, les carottes seront utilisées pour la recherche et la formation. Un autre objectif est de moderniser les carothèques déjà existantes, car certaines sont dépassées.
Dr Hermann Ilboudo, expert en géologie appliquée
Enfin, il est prévu de réétudier les carottes réalisées dans les environnements géologiques propices, en portant une attention particulière sur les minéraux qui n’avaient pas été étudiés par le passé, comme les minéraux dits de Hautes Technologies (MHT).
Interview réalisée par Dô DAO (Stag)