Dans le cadre de la 2ᵉ édition de la Conférence mondiale des journalistes scientifiques, qui s’est tenue à l’Université Félix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, une visite d’échange a réuni journalistes et chercheurs au Centre National de Recherche Agronomique (CNRA).
Ce moment d’échange a permis de découvrir plusieurs innovations scientifiques locales, dont la production de plantules de manioc hors sol et un système numérique de surveillance des nuisibles du cotonnier.
À travers cette visite, les chercheurs ont voulu montrer comment la science peut apporter des solutions concrètes aux défis agricoles, alimentaires et environnementaux que connaît la région.
La technologie appelée SAH (Système Hydroponique Semi-Autotrophe), décrite comme « la production des plantules de manioc hors sol » a été présentée par le Dr Essis Brice Sidoine phytopathologiste, comme une innovation liée à la culture du manioc.
Selon ces explications, cette méthode représente une avancée par rapport aux techniques traditionnelles. « Dans l’historique de la multiplication du manioc, dit-t-il, nous avons déjà au moins six mois pour passer d’un hectare dans la technique de recépage à cinq hectares. ».
En comparaison avec les innovations faites grâce à la science, il précise que « dans cette nouvelle technique, avec un hectare de culture en un mois, nous pouvons faire sortir autour de 3 à 5 hectares de plantules». Ces plantules, a en croire notre interlocuteur, « ont été déjà testées dans les différents endroits du pays ».
Le phytopathologiste Essis Brice Sidoine affirme par ailleurs, que le SAH est une une méthode qui «permet d’aller très vite dans la multiplication des cultures » et qui facilite, ajoute-t-il, «la fourniture de matériel végétal à tous les pépiniéristes de manioc».
Protéger la filière coton
Dr Kouakou Malano quant à lui, est entomologiste et chef de programme coton au sein du CNRA. il fait rappeler un épisode marquant dans la sous-région dans la filière coton. Il s’agit notamment du phénomène des acides. qui n’est rien d’autre que l’acidification des sols.
En effet, le phénomène des acides dans le secteur du coton fait référence à l’impact de l’acidité du sol sur la culture du cotonnier. Cette acidité peut affecter la croissance de la plante, la disponibilité des nutriments et, par conséquent, le rendement de la récolte. Le coton se développe mieux dans un sol dont le pH est légèrement acide à neutre (entre 6 et 7).
Pour mieux répondre à ce type de menaces, le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) de Côte d’Ivoire a mis en place un système de surveillance parasitaire du cotonnier, visant à mieux protéger la culture contre les ravageurs et à promouvoir une gestion intégrée des traitements.
Ce système s’appuie sur des seuils d’agression des cultures par les principaux insectes nuisibles, permettant des interventions ciblées et réduisant l’utilisation de pesticides de synthèse.
Anticiper les ravageurs du coton
Pour le Dr Malano, c’est un dispositif qui repose sur une organisation du territoire. En d’autre termes, confie la même source, « toute la zone de production du cotonnier a été subdivisée en différents points, et chaque début de campagne, nous choisissons systématiquement environ 600 points d’observation. » Des agents sont déployés pour collecter des données à l’aide de tablettes numériques.
« Ils vont noter tout ce qu’ils voient comme maladie, comme ravageur sur le cotonnier. Nous, étant au bureau à Bouaké, avons systématiquement les informations », explique-t-il.
Dès que les données sont synchronisées, le système génère alors des cartes automatiques, des courbes d’évolution et un code couleur : vert, orange ou rouge selon les seuils économiques.
« Si c’est rouge, une fois qu’il clique dessus, il verra contre quoi il faut intervenir : est-ce une chenille ? Est-ce une mouche blanche ? Et le lundi matin, un bulletin d’alerte est généré automatiquement par le système et envoyé à environ 300 encadreurs sur le terrain », a-t-il poursuivi.
Les deux innovations exposées par ces chercheurs montrent à quel point la recherche agricole peut être pragmatique, numérique et réactive. D’un côté, on gagne en temps pour multiplier les plants de manioc.
De l’autre, on anticipe les ravageurs du coton avant qu’ils ne fassent des dégâts majeurs. Le CNRA, par ces avancées, affirme son rôle clé dans la transformation de l’agriculture ivoirienne.
Pour rappel, le CNRA, est un centre de recherche agronomique ivoirien, fondé en avril 1998 par la fusion de plusieurs instituts de recherche agronomique spécialisés, notamment de l’Institut des savanes, l’Institut des forêts et du Centre ivoirien de recherche technologique (CIRT)[