RECHERCHE SCIENCE ET FEMME

Les Copépodes, indicateurs clés pour prédire l’évolution de la pêche en Afrique de l’Ouest – Étude

Une découverte majeure pour la compréhension et la prédiction des fluctuations de la pêche en Afrique de l’Ouest

Une nouvelle étude, publiée dans PlosOne, met en lumière l’importance des copépodes, petits crustacés planctoniques, dans la partie sud de l’écosystème marin du courant des Canaries (CCLME). Elle s’étend de la Mauritanie au Sénégal. Les copépodes sont à la base de la chaîne alimentaire marine. Pourtant, leur rôle précis dans la régulation des populations de poissons, notamment des petits pélagiques, reste encore méconnu.

Les résultats de cette recherche montrent que les copépodes représentent une composante essentielle de la communauté zooplanctonique. Ils jouent un rôle déterminant dans la sécurité alimentaire. Et ce, en soutenant la production de poissons comme les petits pélagiques, qui sont une source clé de protéines pour les populations Nord-Ouest, notamment au Sénégal.

En surveillant ces copépodes, les scientifiques espèrent mieux comprendre les fluctuations des populations de poissons exploités. Le but est de garantir une gestion durable des ressources marines. Aussi, ils espèrent anticiper sur les éventuelles pertubations à venir, du fait des changements climatiques et de la raréfaction des principales espèces exploitées dans les eaux de la Commission Sous-Régionale des Pêches, qui a d’ailleurs largement encouragée l’étude.

Dr Ndague Diogoul à bord du Navire de recherche SONNE lors de la campagne biogéochimique transatlantique CONNECT (Décembre 2021-Janvier 2022)

Dr Ndague Diogoul à l’origine de cette étude

L’étude a été dirigée par une jeune chercheuse, Dr Ndague Diogoul, native de Kaolack au Sénégal. Elle a été recrutée au Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT) de l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA). Cela fait suite a deux post-doctorat qu’elle a achévé à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et une thèse à l’UCAD en collaboration avec l’IRD.

Elle a participé à plusieurs projets internationaux de haut niveau. Et elle a réalisé des campagnes scientifiques dans diverses zones de l’Atlantique Tropicale dont une longue campagne transatlantique qui s’est achevée dans l’océan Pacifique.

Elle fait actuellement déja partie d’un comité de pilotage du projet coordonné  par la «National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA)» aux USA. Aussi, Dr Diogoul est membre du groupe de travail international FAST, du Conseil international pour l’exploration de la mer.

Photographie microscopique d’un Copépode collectée au Sénégal lors de la campagne océanographique AWA à bord du navire de recherche Thalassa (Ifremer, France) puis analysé avec l’application de traitement EcoTaxa (courtoisie de Dr Rainer Kiko, Geomar)

Également, elle est membre de l’Organisation des femmes scientifiques du monde en développement (OWSD). C’est cette organisation qui l’a accompagnée tout au long de ses travaux doctoraux. Cela témoigne de l’importance du soutien aux femmes dans le domaine de la recherche scientifique.

«J’espère que mon parcours pourra inspirer d’autres jeunes femmes africaines à poursuivre des carrières dans les sciences marines. Notre région regorge de talents qui, s’ils sont accompagnés et encouragés, peuvent contribuer de manière significative à la prise de décision, dans mon cas de la gestion durable de nos ressources marines.» dit-elle.

Dr Ndague Diogoul, chercheur CRODT/ISRA

Dr Diogoul révèle que «je suis proche d’aboutir à une capacité prédictive en fonction des variations environnementales de la biomasse des principales proies des poissons pélagiques exploitée». Ce qui pourrait révolutionner notre capacité de gestion des pêches.

Patrice Brehmer, chercheur à l’IRD, co-auteur de l’étude et ancien directeur de thèse de Ndague Diogoul, met en lumière l’importance de ce travail par sa portée sous-régionale : « la science n’a pas de frontières, et la recherche halieutique doit être conduite à l’échelle sous-régionale, en suivant les aires de répartition des stocks de poissons plutôt que les frontières nationales. Par ailleurs, ce type d’étude, réalisée conjointement par des chercheurs sénégalais, cap-verdiens et marocains, constitue un puissant levier pour l’intégration sous-régionale. »

Il souligne également l’intérêt méthodologique de l’étude, qui utilise un outil offrant de vastes perspectives pour la gestion des pêches : « grâce aux campagnes acoustiques, on peut non seulement enregistrer les bancs de poissons exploités, mais également leurs proies – ici les copépodes – ainsi que leurs habitats. »

Vers une meilleure gestion des ressources marines

Par ailleurs, cette étude marque un progrès significatif dans l’utilisation de l’acoustique pour distinguer les différentes espèces de zooplancton. Cette technique est essentielle lors des campagnes scientifiques qui évaluent les stocks de petits poissons comme les sardinelles, car elle permet de créer des cartes très précises de leur abondance.

L’exploitation des séries de données acoustiques historiques offre désormais la possibilité de suivre l’évolution à long terme de l’écosystème marin Sénégalo-mauritanien.

Cette approche permet non seulement de mieux comprendre les impacts des changements hydro climatiques sur la ressources en poissons, mais aussi d’anticiper et de prédire les fluctuations d’abondance de ces ressources.

« L’acoustique ouvre des perspectives fascinantes pour estimer la biomasse des copépodes. Grâce à ces techniques modernes, nous sommes capables de cartographier la distribution des copépodes (entre autre espèce marine) avec précision, offrant ainsi un aperçu des dynamiques cachées de ces organismes dans l’océan» explique Dr. Diogoul.

Dr Ndague DIOGOUL, chercheur CRODT/ISRA

 « C’est passionnant de pouvoir utiliser ces outils pour mieux comprendre et anticiper les variations des écosystèmes marins, et je suis fière de contribuer à ces avancées scientifiques», confesse la chercheure. Cette capacité prédictive est particulièrement cruciale dans un contexte où ces ressources sont soumises à une pression de pêche importante.

DIOGOUL N, BREHMER P, KIKO R, PERROT Y, Lebourges-Dhaussy A, RODRIGUES E, et al. (2024) Estimating the copepod biomass in the North West African upwelling system using a bi-frequency acoustic approach. PLoS ONE 19(9): e0308083. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0308083

Laisser un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Vous aimerez aussi

Voir plus