Face aux défis pressant liés au changement climatique, la protection de l’environnement est désormais une priorité mondiale, nécessitant l’engagement et l’implication de toutes les générations et de tous les secteurs de la société. En Afrique, un continent riche en biodiversité, ce défi revêt une importance particulière. Les jeunes, en particulier, jouent un rôle crucial dans la préservation des écosystèmes et la promotion du développement durable.
Parmi ceux-ci, figure Charlène Mouboulou, journaliste et environnementaliste gabonaise, une dame qui incarne cet engagement. À travers son parcours académique et professionnel, elle nous montre comment une passion pour l’environnement peut devenir un moteur de changement. De ses études au Sénégal à son implication active dans des initiatives de conservation, Charlène inspire une nouvelle génération à agir pour protéger notre planète.
Faites-vous connaître plus amplement à nos lecteurs.
Je me nomme Charlène Mouboulou, journaliste et environnementaliste. Je suis Gabonaise mais je me considère citoyenne africaine. J’ai vécu 10 ans au Sénégal dans le cadre de mes études. Je suis rentrée au Gabon en 2019.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours académique et professionnel ?
Après mon baccalauréat en Langues et Civilisations modernes obtenu à Yalla Suur à Dakar en 2010, j’ai passé le concours du CESTI-UCAD que j’ai intégré en octobre 2010. Diplômée le 05 décembre 2013, je suis membre de la 41e promotion du CESTI option presse-écrite après avoir soutenu ma Grande enquête sur ‘’Développement de l’écotourisme, une solution pour la protection des éléphants dans le Parc National de la Lopé (Gabon)’’.
J’ai ensuite obtenu un Master en Sciences de l’environnement à l’Institut des Sciences de l’Environnement (ISE-FST-UCAD) en 2019 après l’avoir aussi intégré par concours. Mon mémoire portait sur « Communication environnementale dans le cadre de la gestion des déchets solides de la décharge de Mbeubeuss de Dakar (Sénégal)« .
Côté professionnel, j’ai commencé comme blogueuse et ai obtenu la 3e place au prix CFJI en 2012. J’ai ensuite effectué des stages à l’APS et au quotidien national gabonais ‘’L’Union’’. J’ai poursuivi mon parcours pro en qualité de stagiaire-formatrice à l’Assemblée Nationale du Gabon au département Communication puis journaliste pour l’Agence Gabonaise de presse et l’hebdomadaire Gabon Matin, responsable en communication et marketing pour un incubateur pour des porteurs de projets. Enfin, j’ai été community et content manager, office manager, journaliste, et consultante en communication environnementale pour divers organismes, dont UNITAR sur le programme PAGE.
Qu’est-ce qui vous a poussé à plus vous intéresser aux questions environnementales ?
Mon intérêt pour l’environnement remonte à mon enfance. Ayant grandi dans un pays riche en biodiversité, j’ai toujours voulu défendre les intérêts écologiques de ma région. C’est ainsi qu’après l’obtention de mon diplôme en journalisme, j’ai choisi de me spécialiser dans ce domaine pour mieux protéger notre biodiversité.
Y a-t-il un moment ou une expérience déterminante qui vous a orientée vers ce domaine ?
Ma grande enquête sur le développement de l’écotourisme au Gabon a été un tournant décisif. J’ai réalisé que les médias parlent d’environnement principalement lors des tragédies. En tant que journaliste, j’ai voulu nager à contre-courant afin que les rédactions donnent plus de place à l’environnement dans leurs colonnes. C’est pourquoi j’ai décidé de promouvoir les enjeux environnementaux de manière continue.
Quelles est votre perception quant-aux enjeux liées à l’environnement en Afrique
Aujourd’hui, les experts s’accordent à dire que l’Afrique est l’avenir du monde. En tant que berceau de l’humanité, nous portons en nous cet avenir. Nous, Africains, devons saisir les enjeux cruciaux de notre continent. Devenu le premier poumon vert mondial devant l’Amazonie, nous abritons le deuxième plus grand fleuve, le Congo, lié au Bassin du Congo, source de nombreux services essentiels (habitats, meubles, alimentation, pharmacie traditionnelle, etc.). Le Bassin du Congo est également le dernier rempart contre l’avancée du désert en Afrique subsaharienne.
L’environnement est un enjeu géopolitique, stratégique et économique. Raison pour laquelle, les Africains doivent en être conscients, rester vigilants et éviter d’être dépossédés de leurs terres pour des intérêts extérieurs. Nous devons nous développer en recherchant l’équilibre entre les différents écosystèmes, en faisant de l’économie de la conservation. Car l’Homme fait partie de ces écosystèmes.
Comme l’a dit Mme Eve Bazaïba Masudi, Ministre d’Etat et d l’Environnement de la RDC, lors du 1er forum de la jeunesse des forêts d’Afrique centrale à Kinshasa : « Nous devons savoir concilier les besoins en oxygène et le besoin du pain. » De même, le Prof. Sanctus Niragira, Ministre de l’Environnement du Burundi, a rappelé lors de la 20e Réunion de Parties du PFBC : « Dans la nature, les règles sont claires. L’espèce qui ne s’adapte pas meurt. Si les hommes et femmes ne s’adaptent pas, nous disparaîtrons avec la nature. Car nous sommes une composante de cet écosystème. »
Mme Charlène MOUBOULOU, vous avez récemment participé à la 20e réunion des parties du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre participation à la cette rencontre et quels ont été les moments forts de cet événement pour vous ?
D’emblée, je saisis cette occasion pour remercier le Réseau Eau et Climat des Jeunes d’Afrique Centrale (RECOJAC) qui a soutenu ma candidature auprès de l’UNESCO afin que je puisse participer à cette rencontre. Faut-il le rappeler, le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC) est une initiative internationale visant à promouvoir la conservation et le développement durable des forêts du Bassin du Congo. Ce partenariat est co-facilité par un Bassin du Congo et un pays européen.
Lors de cette 20e Réunion, j’ai participé au premier forum des jeunes du Bassin du Congo en prélude à cette réunion. Nous avons travaillé en ateliers sur les sujets tels que la protection des aires protégées pour atteindre les objectifs de Kunming-Montréal (30X30), la planification durable des terres, la consolidation des chaînes de valeur, la lutte contre la criminalité environnementale et la promotion la coopération et le dialogue scientifique et académique.
Cette rencontre a renforcé mon optimisme car, pour la première fois, les autorités d’Afrique centrale ont écouté les jeunes et se sont engagées à maintenir ce forum. La jeunesse, en étant consultée, saura relever les défis environnementaux à venir.
Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée dans votre travail quotidien en tant qu’environnementaliste ?
Le principal défi est de mieux faire comprendre l’importance du rôle d’un environnementaliste et la nature transversale de son travail sur diverses questions environnementales, même s’il peut avoir des domaines de spécialisations spécifiques. Bien que les questions environnementales soient d’actualité, il n’est pas toujours facile de trouver des experts fiables, car comme dans tous les secteurs, il existe des charlatans.
Y a-t-il un projet ou une initiative dont vous êtes particulièrement fière et que vous aimeriez partager avec nos lecteurs ?
Je suis fière que les conclusions de mon mémoire en Sciences de l’environnement aient été mises en œuvre par l’un de mes co-encadreurs au Sénégal grâce à sa position. Je suis également fière que mes propositions aient trouvé un écho favorable auprès de plusieurs parties prenantes ministérielles. Ma plus grande fierté reste d’avoir contribué à renforcer l’offre en environnement du CESTI, en y intégrant les questions d’économie verte et en renforçant les capacités des journalistes et étudiants en journalisme sur ces sujets.
Comment conciliez-vous votre casquette de journaliste et d’environnementaliste, surtout dans un domaine aussi exigeant que celui de l’environnement ?
Qu’il me soit permis de partager avec vous cette impression : je ne me sens plus tout à fait à ma place dans une rédaction classique. Mon ambition va au-delà du journalisme classique. C’est pourquoi je me présente désormais comme spécialiste en communication environnementale. Je navigue entre ces deux domaines complémentaires.
Mon objectif est de rendre les connaissances techniques et scientifiques sur l’environnement accessibles à tous et de mettre en lumière les bienfaits de l’environnement en dehors des catastrophes. De plus, en tant qu’ingénieure en environnement, ma double casquette de journaliste et de communicante est indissociable. Mon rôle est de toujours communiquer de manière claire et accessible à un large public.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent s’engager dans la protection de l’environnement ?
Pour les jeunes qui souhaitent s’engager dans la protection de l’environnement, je donnerais ce conseil : suivez votre passion et engagez-vous pleinement ! Restez humble et ouvert, car les questions environnementales évoluent rapidement. Il est essentiel de rester informé. Environnement ou pas, la spécialisation sur certains sujets est importante pour devenir expert, tout en conservant une vision transversale.
Comme le disent souvent les enfants, l’environnement englobe tout ce qui nous entoure. Aujourd’hui, les jeunes doivent s’impliquer dans tous les aspects de la protection de l’environnement, car c’est la base de notre existence.
Que voyez médecin, ingénieur ou dans tout autre domaine, vous pouvez contribuer à la protection de l’environnement grâce au concept ‘’One Health’’. En fin de compte, chaque secteur a un impact sur l’environnement et nous devons veiller à ne pas perturber cet équilibre.
Interview réalisée par Succès Djimtebaye (Stag)