Les fortes irradiations modifient la matière. Si on peut facilement observer le résultat final, le détail de ces transformations dans le temps est bien plus difficile à révéler, étant donné l’extrême brièveté des phénomènes en jeu.
Une équipe internationale, codirigée par des chercheurs du Laboratoire de chimie physique – matière et rayonnement (LCPMR, CNRS/Sorbonne Université), a décrit l’ionisation de l’eau soumise à la source de rayons X la plus puissante d’Europe.
Publiés dans la revue Physical Review X, ces travaux isolent des étapes séparées par seulement quelques femtosecondes.
Lorsqu’une molécule est soumise à un rayonnement X, l’ionisation en couche interne d’électrons prédomine par rapport à l’ionisation des couches externes. On parle alors d’ionisation de cœur qui est, dans la grande majorité des cas, suivie de l’émission d’un deuxième électron, l’électron Auger. La molécule doublement ionisée, instable, va alors exploser.
Cette situation se retrouve en cas d’irradiation de tissus biologiques, accidentelle ou dans le cadre de radiothérapie contre des tumeurs, dans les phénomènes d’usure des réacteurs nucléaires ainsi que dans l’espace, comme sur Saturne ou lors de la formation de la glace des comètes.
L’eau est impliquée dans tous ces cas de figure et il est donc important de comprendre comment elle réagit dans de telles conditions.
Une vaste équipe de recherche internationale, comportant des scientifiques du Laboratoire de chimie physique – matière et rayonnement (LCPMR, CNRS/Sorbonne Université), a obtenu le détail de la transformation de molécules individuelles d’eau après des irradiations extrêmes, décrivant des phénomènes qui se produisent lors des premiers millionièmes de milliardièmes de seconde d’exposition aux rayons X.
Les chercheurs ont pour cela utilisé un laser X à électrons libres (XFEL). Cet appareil aussi rare qu’imposant émet des rayons X un milliard de fois plus intenses que ceux, pourtant déjà très puissants, fournis par les synchrotrons.
Grâce à cette puissance, les molécules d’eau sont multiplement ionisées en absorbant plusieurs photons successivement, au lieu d’un seul au maximum avec un synchrotron. Grâce à l’utilisation d’un microscope réactionnel, qui permet d’imager les ions, l’explosion d’une molécule d’eau a été filmée.
Une étroite collaboration avec des théoriciens a alors permis de comprendre finement la géométrie singulière que pouvaient prendre parfois la molécule d’eau.
Ces travaux ont mobilisé des chercheurs du Laser européen à électrons libres et à rayons X (European XFEL, Allemagne), du Laboratoire de chimie physique – matière et rayonnement (LCPMR, CNRS/Sorbonne Université), du Synchrotron allemand de Hambourg (DESY), des universités allemandes Goethe de Francfort, de Kassel, de Fribourg-en-Brisgau et de Hambourg, les universités suédoises de Lund, Göteborg et Uppsala, ainsi que des universités de Turku (Finlande) et de l’État du Kansas (États-Unis), du Laboratoire national Lawrence-Berkeley (États-Unis), de l’Institut de photonique et de nanotechnologies de Milan (Italie), de l’école polytechnique de Milan (Italie), de l’institut Fritz-Haber de la Société Max-Planck (Allemagne) et de l’Institut Max-Planck de Heidelberg (Allemagne).